Minuit dans la vallée des songes
Juin 2022
255 pages
19,50 €
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Thème
Sous la forme du récit autobiographique, l’auteur raconte son errance adolescente, de l’école buissonnière dans la banlieue de Marseille à la cavale sans fin imposée plus tard par son statut de déserteur.
Épris d’un goût furieux pour l’indépendance et la liberté, le héros ne connaîtra vraiment que deux attachements, celui de sa mère aimante et indulgente et celui des livres qu’il va découvrir en prison.
Encouragé à la lecture par Ange-Marie Santucci, un voyou récidiviste avec lequel il a « fait les 400 coups » quelques années plus tôt, providentiellement retrouvé dans les cachots du 150ème Régiment d’Infanterie Motorisée stationné à Verdun, pourvu en romans et en auteurs par l’aumônier de la garnison, René, rebelle inclassable, va ainsi cheminer d’une incarcération sur l’autre dans la grande bibliothèque du monde, lire Dostoïevski, Camus, Boris Vian, Hemingway, Jack London, Malraux, Marguerite Duras et tant d’autres… au point d’en oublier souvent la rigueur de sa captivité, voire de ne plus la craindre.
Points forts
- Le paradoxe, infiniment romanesque, d’un jeune homme éperdu de liberté qui va la trouver en prison, grâce aux livres.
- La poésie suggérée par cette errance et les moments de liberté d’autant plus savoureux qu’ils sont précaires, les rencontres heureuses, littéraires et amoureuses, en contrepoint de la rigueur des arrêts qui suivent, des moments baignés de la lumière de la Provence et de la Corse de son enfance, sublimée par la découverte et la langue de Giono.
- L’amour inconditionnel d’une mère qui attend avec confiance la rédemption de son fils, elle seule sachant qu’il trouvera un jour le chemin de sa vie.
Quelques réserves
Aucune, on avale le livre d’une traite, comme le héros dans son récit, sans jamais se départir de cette lumière intérieure qui l’anime, nourrie par l’amour des livres et l’amour d’une mère, ses deux soutiens irrésistibles.
Encore un mot...
Le brasseur Heineken avait inventé un slogan fameux, celui de « la bière qui fait aimer la bière », la couleur d’ambre et l’écho de la mousse conférant au propos une réelle pertinence. René Frégni a sans doute écrit quant à lui le livre qui fait aimer les livres.
En racontant l’histoire d’une rédemption, celle d’un jeune homme banal, inconstant et inconsistant qui, n’ayant jamais lu une ligne, va les découvrir à l’âge adulte et avec eux les mots, leur puissance suggestive, les nuances et les subtilités du monde ainsi et par eux révélées, un monde dont il est pourtant privé par l’effet de la captivité. Comme s’il fallait s’extraire de la réalité pour la découvrir et commencer à la comprendre.
En proposant d’inviter à cette balade intérieure l’amitié virile du frère d’armes, la tendresse de la mère aimante, la sensualité d’une jeune fille en fleur, la bienveillance de l’aumônier, la lumière et le soleil de Provence, jusqu’au mafieux compréhensif et paternel qui vont tous et à leur manière soutenir cette quête littéraire pour réconcilier cet enfant perdu avec le monde, lui offrir la place que sa sensibilité et sa générosité lui confèrent et faire finalement de lui et à son tour un passeur de livres, de mots et d’histoires, un chantre de la poésie et de la liberté, un auteur à part entière.
Une phrase
“ La journée précédente avait duré cinq ans, celle-ci avait filé comme la lumière et le vent. Chaque mot que j’avais lu avait aboli les barreaux, les murs, la cour de la prison. J’étais assis sur une planche dans une obscurité totale, je compris soudain ce qu’était la lecture, la puissance colossale des mots. Cette journée allait déterminer le reste de ma vie, le voyage infini vers les mots. Au fond de ce puits, j’étais un évadé.”
L'auteur
René Frégni, l’homme au parcours inclassable, est né en 1947 à Marseille. Son histoire reste toute proche de son dernier récit. Déserteur ou qualifié comme tel, lecteur compulsif, infirmier zélé dans le monde psychiatrique, il mettra pendant plus de vingt ans toute son expérience au service des détenus en montant des ateliers de lecture et d’écriture en prison.
Auteur d’une vingtaine de romans, titulaire de presque autant de prix, ainsi le prix du Roman Populiste en 1989 pour Les chemins noirs : l’évasion et l’errance d’un jeune homme à travers l’Europe, le prix Cino del Duca en 1992 pour Les nuits d’Alice, le prix Paul Léautaud en 1998 pour Elle danse dans le noir, encore le prix des Lecteurs Gallimard en 2017 pour Les vivants au prix des morts.
Commentaires
J’aime beaucoup ce livre, c’est émouvant et surtout l’écriture est meilleure, si je puis me permettre.
Merci Giono a trouvé un collègue !!!
Livre magnifique, belle écriture rendant très bien les sentiments, les ambiances et le bonheur, salvateur, de la lecture... S'il pouvait inspirer les délinquants actuels ! mais, ici, s'il y a le refus de l'autorité il y a le respect de la vie ce que prouve le parcours adulte de l'auteur.
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