Ma vie de Cafard

Pétrie d'humanité,Violet, douze ans, choisit l'éthique au détriment de la fidélité familiale sans avoir conscience du prix que sa décision lui coûtera. «Cafarder» fera basculer son existence. Un livre fort et attachant.
De
Joyce Carol Oates
Traduction de Claude Seban -
Editions Philippe Rey -
432 pages -
22 euros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Joyce Carol Oates décrit le parcours d'une très jeune fille, dernière née d'une famille d'origine irlandaise, dans l’État de New York au cours des deux dernières décennies du vingtième siècle. Quatre garçons et deux autres filles composent la fratrie dominée par la figure du père. L'alcoolisme, la misogynie, la violence, le racisme cohabitent dans cette famille complexe mais soudée jusqu'à ce que Violet provoque l'irréparable. En décrivant l'ensemble des sentiments qui composent la personnalité de Violet, l'auteur brosse le tableau des conflits qui agitent la société américaine.

Points forts

Violet est la narratrice du récit à la première personne mais l'auteure introduit dans le même temps la voix intérieure de l'héroïne. Ce regard porté sur elle-même, ses proches, ses rencontres, le monde qui l'entoure rend l'approche psychologique de Violet passionnante.

Organisée en trois parties faites de paragraphes et de chapitres assez courts, la fiction souligne l'enfermement que subit Violet de la part de différents prédateurs.

Les descriptions des  personnages et des épisodes qui se déroulent au fil du temps sont incisifs. C'est au scalpel que Joyce Carol Oates étudie la sociologie dans laquelle s'inscrit l'histoire de Violet. Les événements de sa vie sont la trame sur laquelle se détachent les problématiques américaines.

Quelques réserves

Aucun, sauf si l'on aime ni la littérature américaine ni les thèmes abordés par l'auteur.

Encore un mot...

Livre fort et attachant où le personnage principal véhicule des valeurs positives telles que l'amour, l'empathie, le sens de la justice, la résilience tout en subissant des douleurs morales extrêmes. Ce dur apprentissage de la vie conduira Violet à se libérer d'une emprise familiale vénéneuse. Son rejet du racisme peut être vu comme le fil rouge du roman depuis sa sollicitude  pour la jeune victime de la communauté noire jusqu'à l'apaisement grâce à l'amitié et le soutien d'un ancien condisciple afro-américain devenu enseignant à l'université qu'elle fréquente.

Une phrase

"C'était héréditaire. Les gènes irlandais. Tout le monde le savait: boire vous soûlait, et être soûl vous rendait stupide. Mais ils étaient sobres quand ils lui avaient menti. A lui.Racontant qu'ils avaient eu peur, n'avaient su quoi faire? S'étaient enfuis, pris de panique, et le suppliant ensuite de leur pardonner, si bien qu'il avait fini par leur pardonner quoique écœuré encore maintenant quand il y pensait. Le chagrin d'avoir perdu Jerome Junior était contaminé par cet écœurement et par la fureur d'avoir été trahi ainsi par ses fils, ses aînés.

Mais la fille n'avait jamais dit qu'elle regrettait. Elle n'avait jamais demandé pardon. Elle voulait être aimée comme si rien ne s'était passé entre eux.

Il avait le cœur déchiré, la trahison de sa fille était toujours une plaie ouverte des années après. Parce qu'il l'avait aimée plus que les autres.

Il ne lui reprochait pas d'avoir parlé de ses frères à la police, mais de ne pas être d'abord venue le trouver pour tout lui raconter. Ensemble, ils auraient décidé quoi faire. Mais elle n'en avait fait qu'à sa tête, sans le consulter. Lui, son père.

Elle avait trahi la famille, voilà le péché impardonnable. Et assez grande pour le savoir. Pas une enfant.

En pensant à cela, à la trahison de sa fille, il eut de nouveau l'impression que son cœur se déchirait, C'était insupportable."

L'auteur

Joyce Carol Oates, née en 1938 est une auteure américaine prolifique: elle écrit depuis l'adolescence et publie une première nouvelle à 19 ans; son premier ouvrage important de nouvelles By the North Gate sort en 1963. Depuis elle a publié une centaine d'ouvrages, nouvelles, essais, poésie, théâtre, romans dont des tétralogies et des sagas; elle s'est essayée également aux romans policiers sous des pseudonymes. En parallèle, elle mène une carrière de professeure de Littérature anglaise et de création littéraire. Son œuvre est un reflet de la violence qui sévit dans la société américaine, en particulier le racisme et les tensions sociales. Blonde (Stock, 2000), inspiré de la vie de Marilyn Monroe, lui a valu les meilleures critiques dans le monde entier. Falls (Les Chutes, Philippe Rey) a remporté le prix Médicis étranger en 2004.

Récompensée par de nombreux prix dont le National Book Award pour Them (Eux, Stock) en 1970, elle est régulièrement pressentie pour le prix Nobel de Littérature.  

Le clin d'œil d'un libraire

LIBRAIRIE DE l’HOTEL BOYER D’EGUILLES A AIX. TOUS LES « OFFICES », DANS UN SITE D’EXCEPTION

A nouvelles installations, nouveau concept. A côté du vaste espace consacré aux livres où règne la sémillante Najwa Benallal, la libraire très fameuse de la place, vous attendent un café et un restaurant typiques. Les nourritures terrestres voisinent avec celle de l’esprit. Ici place aux «Offices», c’est à dire aux nouveautés jouxtant l’Office d’une cuisine raffinée. Tout ce qui est bon à lire et qui vient de sortir, de septembre à décembre, est là, représentant près de 60% des ventes.  «Actuellement j’ai 25 000 livres en stock, malgré la pandémie qui m’a obligée de fermer 2 mois après notre lancement. Heureusement les gens ont pris conscience de l’importance de la lecture et du libraire de proximité, mes clients sont des copains. Le commerce de la librairie c’est très particulier, c’est le commerce de la pensée, foi de Diderot ! »

Et là, Najwa Benallal s’emballe !! Venant du Maroc, voulant devenir professeur, elle entre à l’université de Reims puis poursuit ses études de lettres à Aix mais elle fait ses classes (de libraire)  chez Goulard ! Elle est maintenant installée dans le vieil Aix en Provence, dans un site classé, sous l’œil attentif et ravi de la mairie. Les choix de Najwa ? Coup de cœur pour  Betty, «On rit, on pleure, un petit bijou, ça va devenir un classique» et pour Hervé Le Tellier, L'anomalie.

 «Il joue avec la langue, sans affect » et surtout pour Mauvignier et son Histoire de la nuit, «c’est mon livre de la rentrée».

 «et Leila Slimani ? » Le pays des autres ? Interrogeons-nous benoitement, certain de notre clin d’œil appuyé…Silence perplexe : «Elle a du talent, bien sûr, elle sait raconter, j‘ai hâte de la recevoir ici…». Najwa Benallal bataille depuis plus de 10 ans pour défendre la profession depuis notamment la création des Rencontres Nationales de la Librairie Française Indépendante par le SLF, «une date qui compte et qui a donné un coup de projecteur sur la profession». Le dernier coup de cœur, c’est pour elle : Najwa a le feu sacré. Comme elle le dit si bien : elle sait parler des auteurs parce qu’elle les aime !

Librairie de l'Hôtel Boyer d'Eguilles,  6 rue Espariat, 13100 Aix en Provence, Tel. 09 80 92 65 75

Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture Tops.

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