M Les derniers jours de l’Europe
Les Arènes
Date de publication du livre : 14/09/2023
461 pages
24,90 €
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Thème
Les derniers jours de l’Europe est le troisième volet de la saga M d'Antonio Scurati consacrée à Mussolini et au fascisme. Il détaille comment Hitler a embarqué Mussolini dans son entreprise guerrière entre 1938 et 1940. Dans ce roman historique, “tout est vrai". Découpée en courts chapitres, la narration repose sur le triptyque un protagoniste, un lieu, une date. Elle est complétée par des extraits de journaux intimes, d’articles de presse et de mémos gouvernementaux. Scurati donne vie à un matériau historique de première main où reviennent principalement les noms de Mussolini, son gendre Ciano, sa maîtresse Clara Petacci, les nazis Ribbentrop, Goebbels ou Paul-Otto Schmidt, le traducteur officiel du Führer.
Hitler, qui admire le fondateur du fascisme, cherche activement à le rallier à sa cause dès l’Anschluss, en mars 1938. L’italien se dérobe mais très vite “nazifie” son régime. L’Albanie est envahie après l’Éthiopie. Le Duce veut “accélérer, totaliser, radicaliser” l’Italie, la sortir de l’esclavage. Il persécute les Juifs. Le Parlement italien se saborde, sans débat. A Munich, en septembre 1938, Mussolini, qui se contente de lire la proposition de Ribbentrop, accepte de “jouer la marionnette dans ce spectacle de ventriloques”.
En 1939, Mussolini veut transformer le pacte d’amitié avec l’Allemagne en pacte militaire. Il n’est pas payé de retour. Hitler le place devant le fait accompli à chaque étape de ses conquêtes militaires. Le Duce, rempart proclamé contre le bolchevisme, encaisse sans broncher le Pacte de non-agression germano-soviétique. Il fait les gros yeux mais approuve à chaque fois. Il a peur. Mussolini signe le Pacte d’Acier écrit par les Allemands, un “accord de vassalisation par temps de paix et de champ de bataille en temps de guerre”. Le pays est dramatiquement impréparé et Mussolini réclame du temps. Non belligérant, il prône la “guerre parallèle” : se battre quand l’ennemi est déjà à terre, à la manière des squadristes. Exaltée par les victoires des nazis, soucieuse de ne pas être maltraitée à la table de négociation, l’Italie entre en guerre quand la France agonise. Le piège s’est refermé.
Points forts
Les derniers jours de l’Europe est un livre magistral et brillant qui se lit comme un roman au service de l’Histoire. Il est de la même veine que l’excellent La splendeur et l’Infamie d’Erik Larson dont l’auteur de ces lignes a rendu compte. Sa lecture est aussi addictive. Très rythmé, aidé par une traduction de haut niveau, le récit restitue parfaitement l’intensité dramatique des événements qui ont mené à la guerre. Le lecteur est au plus près du drame qui se noue, cette étreinte mortelle qu’un dictateur exerce sur un autre dictateur. Les extraits de notes ou de journaux intimes sont à la fois la source de la riche narration au jour le jour et donnent écho et consistance au récit.
Scurati rend compte, avec une acuité que les images n’auraient pas, du climax des événements comme la rencontre Ciano-Hitler au Berghof ou la Conférence de Munich. L’auteur explore au scalpel la psychologie des protagonistes, en particulier celle de Mussolini ou de Ciano. Adeptes du journal intime pour le bénéfice de l’historien, les Allemands (Goebbels, Ribbentrop) sont aussi mis en scène spectaculairement. Scurati pose un regard désenchanté sur ses compatriotes et dirigeants d’alors, si versatiles, si aveuglément complaisants pour un régime adulé qui les entraînera vers le précipice.
Quelques réserves
Une mise en scène brillante et sérieuse de l’entreprise de vassalisation de l’Italie par les nazis.
Encore un mot...
- « … et il sera facile de balayer les scepticismes résiduels des imbéciles de notre pays et de l’étranger qui préféreraient l’ancienne Italie, une Italie superficielle, désordonnée, amusante, adepte de la mandoline, à l’Italie encadrée, solide, silencieuse et puissante de l’ère fasciste ». (page 72)
- « Le choix de s’aligner toujours du côté du plus fort, du plus brutal, du plus violent, l’a conduit à l’issue la plus paradoxale et en même temps la plus évidente : à la crainte de rester seul devant lui » . (page 194)
- « … nous nous jetâmes par mépris, par fierté, dans les bras de l’Allemagne. Dès le premier instant, l’Axe ne fut pas une alliance diplomatique méditée froidement, en mesurant paisiblement toutes les conséquences : ce fut un coup de théâtre conçu pour impressionner la France ». (page 245)
Une phrase
Né en 1969, Antonio Scurati est un universitaire, journaliste et écrivain italien.
Il a obtenu le prix Strega en 2019 pour M L'enfant du siècle, le premier opus de la saga M, qui raconte l'ascension de Mussolini. Ses autres livres traduits en Français incluent Le Survivant (Flammarion, 2008), L'Enfant qui rêvait de la fin du monde (Flammarion, 2011), Une histoire romantique (Flammarion, 2014), et M l’homme de la providence, le deuxième opus de la saga M ( Les Arènes, 2021).
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