Lucie ou la Vocation
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Thème
Lucie ne termine pas son année de Khâgne; elle entre au couvent…Elle a senti que sa vie prenait un sens. Désormais sa vie sera rythmée par la prière, l’adoration et les tâches monastiques.
Dans l’univers de l’ordre religieux où la vie s’égrène dans un ordonnancement parfait, se fait jour en contrepoint le sentiment de l’incarcération où toute liberté est bannie, où l’autorité divine est dévolue à de redoutables intermédiaires. Encore faut-il en prendre conscience.
L’idéal vers quoi s’était tourné Sœur Marie-Lucie va se fracturer.
Points forts
- L’histoire dont le sujet pourrait paraitre rébarbatif est en réalité passionnante. Il y a à la fois dans l’histoire de Lucie, un portrait très enlevé d’une héroïne ordinaire, l’autopsie d’une institution religieuse dont les mille petits faits vrais relève d’une quasi enquête sociologique, enfin l’intrigue navigue entre angélisme et machiavélisme avec une tension grandissante tout au long du récit.
- L’histoire (vécue?) de Lucie est aussi celle d’une belle amitié avec Juliette qui pourrait bien être le double de l’auteur, athée, ce qui lui permet de régler quelques comptes avec la croyance en général et l’institution religieuse en particulier.
- Le livre possède de grandes qualités littéraires qui tiennent d’abord à une maîtrise consommée de la langue. Le ton est toujours ajusté aux différents niveaux de langage: familier, protocolaire, registre de la prière ou de la supplication. Ensuite, le narrateur mêle très habilement sa voix à celles des personnages, voix qui résonnent différemment, qu'il s'agisse d'un dialogue intérieur prenant en charge la pensée de chacun ou de la forme d’un journal, pour le personnage de Juliette.
Quelques réserves
La chute du livre n’est pas tout à fait convaincante. Elle parait un peu précipitée comme si Maëlle Guillaud avait voulu se débarrasser de son histoire qui arrivait à son terme en lui trouvant la fin la plus rocambolesque possible. Mais c’est un premier roman...
Encore un mot...
Magnifique récit par le sujet traité qui est la foi vécue tantôt de l’intérieur tantôt de l’extérieur avec un esprit rebelle. Roman puissant par les ressorts psychologiques mis en œuvre: l’enfermement et la fascination, la manipulation et le retournement.
L’auteur nous embarque dans une aventure mystico-policière d’une troublante horreur.
Elle sait pénétrer comme personne les arcanes de l’inconscient brisant en cela le cadre du récit qui reposait seulement sur des apparences, un rituel immuable, une rhétorique. On pense à Paulina 1880 de Pierre Jean Jouve, aux Bonnes de Jean Genet par la fascination du langage associée à un rapport sadomasochiste entre les personnages. On pense également au cinéma de Bergman avec Cris et Chuchotements et plus récemment au film Les Innocentes.
Une phrase
-"Lucie pousse la porte. Ici, elle est à l’abri du bruit et de la poussière de la rue. Ici, l’amour l’enivre, même si elle ignore les effets de l’ivresse. Elle est portée par une force plus grande qu’elle, douce et enveloppante". (page 11)
-"Tu me dois obéissance. Ici, tu n’es rien d’autre que ce que je veux que tu sois. Si je t’ordonne de manger, tu manges. Dois-je te rappeler tes vœux? Ou préfères tu les bafouer et salir notre communauté? Réponds-moi! grince-t-elle". (page 167)
L'auteur
Née en 1974, Maëlle Guillaud est éditrice. "Lucie ou la Vocation" est son premier roman.
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