L’origine des larmes
Parution le 15 mars 2024
247 pages
21 €
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Thème
Deux coups de feu atteignent le corps mort de Thomas Lanski ! Paul, son fils, a commis cet acte insensé. Pourquoi ? Il exècre son père, un monstre de méchanceté, un escroc véreux, un prédateur sournois, un butor corrompu. Il a voulu le tuer à plusieurs reprises sans y parvenir. Il n’hésite donc pas à tirer sur lui post mortem. Ce parricide lui vaut une obligation de soins pendant un an. Ainsi il se rend chaque mois chez le docteur Guzman, à qui il va raconter toute sa vie. A cinquante et un an, Paul reste traumatisé par sa propre naissance : il a perdu ce jour-là à la fois sa mère et son frère jumeau. Il ressent comme un trou béant, un vide impossible à combler. Voilà l’origine de ses larmes, à l’image des pluies diluviennes qui tombent inlassablement depuis deux ans dans la région de Toulouse.
Rebecca, la deuxième femme de son père, a tenté de le consoler grâce à sa délicatesse et à sa tendresse. Propriétaire d’une entreprise de housses mortuaires, elle lui a légué l’affaire après le départ précipité et irréversible de son mari au Canada. Il mène une vie rétrécie, son horizon se limite à ce métier funéraire. Enfermé dans sa solitude, il refuse tout lien social et se contente de communiquer avec l’intelligence artificielle et, de temps en temps, avec un chien …
Points forts
On retrouve Paul, le personnage-fétiche de l’auteur, revenu de tout et habité par une profonde mélancolie ; il a cependant gardé une âme d’enfant, attiré par les jouets et par l’amour inconditionnel des chiens. Il est ici martyrisé par Thomas Lanski, l’incarnation du mal absolu. Il n’arrive pas à vivre en l’absence de sa mère et de son frère jumeau.
Rebecca incarne un beau personnage. Paul lui rend hommage, elle a exercé auprès de lui son rôle de « mère totale, absolue, » malgré le comportement tyrannique de son mari.
La relation entre Paul et son psychiatre se construit au fur et à mesure des rencontres. Atteint d’un syndrome lacrymal, le médecin cache parfois de vraies larmes en écoutant ce patient si étrange et parfois si touchant.
Des digressions passionnantes, comme toujours dans les romans de Jean-Paul Dubois, sur les peintres flamands ou coréens, l’IA, un secrétaire général de l’ONU ou un navigateur face à une mer déchaînée.
Quelques réserves
Tout tourne autour de la mort et tout est noyé de larmes ou de pluies. Ces choix obsessionnels peuvent dérouter les lecteurs. Moins d’humour dans ce roman sombre.
Encore un mot...
Jean-Paul Dubois nous entraîne une fois de plus dans son univers si particulier, composé de situations cocasses ou dramatiques, entre légèreté et gravité, entre violence et délicatesse : le désormais personnage récurrent, Paul, son double (?), provoque à sa naissance la mort de sa mère et de son frère, puis subit les humiliations et les sarcasmes d’un père destructeur qui ne lui inspire qu’un irrésistible dégoût. Pour guérir ses blessures indélébiles, il choisit une vengeance incroyable à travers un geste fou et inutile. Une intrigue extravagante de noirceur, racontée sur ce ton décalé, inimitable, que les admirateurs du Goncourt 2019 apprécient tant ! Un roman unique en son genre !
Une phrase
«Dans cet enclos familial, dès le début de mon existence, j’ai confusément ressenti que la mort cheminerait toujours à mes côtés, me témoignerait une bienveillance distante, veillerait sur moi à sa façon, allant, plus tard, jusqu’à subvenir à mes besoins en m’offrant un emploi pour le moins singulier et un certain confort.» p. 20
«Rebecca. Elle fut ma mère. La seule qui m’ait aimé, élevé, qui m’ait rassuré la nuit, qui m’ait lavé, soigné, éduqué, qui m’ait vu grandir, qui se soit souvent interposée entre moi et la brute …» p. 72
« En chaque domaine et tous les jours, comme un torchage de gaz naturel, se consumait l’incommensurable méchanceté de cet homme. » p. 76
L'auteur
Né en 1950 à Toulouse, Jean-Paul Dubois est à la tête d’une œuvre littéraire abondante. Il a publié de nombreux romans depuis 1984. On peut citer Eloge du gaucher (1987), Kennedy et moi (1996), Une vie française, prix Femina, prix du roman Fnac 2004, Vous plaisantez, monsieur Tanner (2006), Hommes entre eux (2007), Le Cas Sneijder (2011), La Succession (2016) et Tous les hommes n’habitent pas le même monde, prix Goncourt 2019.
Sur Culture-Tops les chroniques de :
- La Succession
- Pièce de théâtre Le cas Sneijder (roman de Jean-Paul Dubois)
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