Lonely Child

Intense, dépaysant, déroutant, mélancolique et serein
De
Pascale Roze
Editions Stock - 140 pages
Notre recommandation
3/5

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Thème

Une vielle dame riche, sans héritier, décide de léguer sa fortune à l’un des descendants d’un jeune garçon autrefois recueilli par son grand-père, il y a des décennies. Cet aïeul mutique et sévère a été officier au Maroc, à l’époque de la Grande Guerre, où il a en partie élevé ce petit garçon marocain, Amazouz, qui hante les souvenirs de la narratrice. Elle part à la recherche d’un légataire de cœur, d’un lien d’amour qui ferait sens et remplacerait les liens du sang. Tariq, choisi en raison de l’attachement qu’elle a porté à ce jeune Amazouz, son grand-père, qui a embelli ses jours à l’aube de sa vie, sera son héritier. 

Au fil du récit de cette quête, elle raconte sa vie monotone de femme riche et âgée, son enfance marocaine et, de manière étrangement détachée, le manque d’attention dont elle a fait l’objet lorsqu’elle était enfant. Elle décrit ses souvenirs, tantôt lointains et vagues, tantôt nets et persistants, son attachement inconditionnel à ce garçon adopté, adulé par un grand-père dont elle-même n’a jamais suscité l’admiration. 

Ce récit très personnel est celui d’une narratrice effacée, mais qui se refuse à la résignation. Les méandres de son histoire entraînent le lecteur dans les paysages colorés du Maghreb du début du vingtième siècle, dans son histoire curieuse, parfois cruelle. 

Sont ici décrits avec minutie les rapports entre pères et fils, colonisateurs et colonisés, filles et garçons au sein de la famille. Il s’agit aussi de l’embarras, du défaut de confiance en soi, de l’amour perdu et idéalisé.

Points forts

- Des phrases longues et enlevées qui emportent le lecteur dans un univers intense et dépaysant. Une prose juste, dont le point de vue distant confère au livre un style doux et mélancolique. 

- Une subtilité remarquable dans la description des sentiments les plus intimes, notamment ceux de l’amour enfantin, de la honte et de la timidité. La scène durant laquelle la narratrice décrit son trac lorsqu’elle joue du  piano est particulièrement forte, à la fois touchante, triste et sans aucune amertume. Ce ton calme, empli de sagesse, donne au lecteur un sentiment de sérénité.

-Les confusions de la vieillesse, les oublis incompréhensibles et les souvenirs magnifiés font de ce livre une réflexion forte sur les pièges et le pouvoir la mémoire.

Quelques réserves

Les faiblesses sont probablement inhérentes à l’écriture très poétique du livre, dont les sinuosités, qui ressortent dans ce récit si particulier des souvenirs lointains d’une très vieille femme, sont parfois difficiles à suivre. Le fait que les événements présents et passés soient enchevêtrés ou que la trame générale de l’histoire soit parfois obscure rendent avec réalisme ce que peuvent être les souvenirs d’une personne âgée mais pourront facilement faire perdre au lecteur le fil de l’histoire. On passe d’un univers à l’autre, du présent au passé, de personnages étrangers les uns aux autres cités pour la première fois comme s’ils étaient connus, sans scène d’exposition. 

Il faut donc choisir de prendre le roman comme il est, et de l’apprécier sans toujours le comprendre.

Encore un mot...

Un beau roman, à la trame décalée, parfois ardue.  Un texte dépaysant qui plonge le lecteur dans un univers inédit, ambigu, déroutant. Un livre surprenant mais très agréable à lire dans son ensemble.

Une phrase

« Enfant, j’ai vite compris que je ne serais pas concertiste. J’avais trop le trac. En public, j’allais au piano comme à l’abattoir. Pourtant je me suis obstinée. Je me reconnais cette qualité, l’obstination. Je voulais arriver à jouer ce que j’entendais en moi. Après que j’ai renoncé à présenter le concours d’entrée au conservatoire, j’ai suivi les cours  de l’école normale de musique, j’ai un diplôme qui me permet d’enseigner. Je ne m’en suis jamais servi. À la fin, j’avais le trac même lorsque je jouais toute seule. Lorsque je l’ai raconté à Vivier, il m’a dit : c’est la peur de la beauté». (p20).

L'auteur

Pascale Roze est une écrivaine française née en 1954 au Vietnam. Titulaire d’une licence ès lettres, elle a travaillé dans le milieu du théâtre avant de se lancer dans l’écriture de fictions littéraires qui ont connu un succès immédiat. Pour son premier roman, « Le Chasseur Zéro », Pascale Roze s’est vu décerner le Prix Goncourt en 1996. Parmi ses nombreux romans publiés, on retrouve « L’Eau Rouge » (2006), récit doux-amer d’une jeune femme engagée dans l’armée durant la Guerre d’Indochine et « Aujourd’hui les cœurs se desserrent » (2011), histoire d’amour paradoxale et désabusée entre deux êtres que rien ne destinait l’un à l’autre. Pascale Roze a également signé de nombreuses chroniques littéraires ainsi qu’un recueil de nouvelles, « Passage de l’Amour », paru en 2014.

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