L'Incendie de la maison de George Orwell
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Thème
Ray Welter, 33 ans, a fait fortune dans la publicité en appliquant les théories de manipulation mentale décrites par George Orwell dans «1984». Dépassé par le succès d’une campagne marketing qui a répandu dans les rues de Chicago des milliers de 4x4 hyper polluants, le narrateur sombre dans une crise écolo-existentielle qui l’amène à fuir en toute hâte ce monde où Big Brother est désormais omniprésent ; il part chercher la rédemption à Jura, petite île perdue au nord-ouest de l’Ecosse, dans la maison même où George Orwell écrivit son chef d’œuvre «1984». Débarrassé de tout objet connecté (il jette son Iphone dans le lac Michigan et donne son PC à une secte bouddhiste), il est bien décidé à retrouver la pureté des origines, loin de la modernité intrusive. Mais l’Eden recherché se révèlera décevant, peuplé qu’il est, non de « bons sauvages » à la Rousseau comme espéré, mais d’une bande hostile de braillards éméchés dont certains frôlent la psychopathie.
Points forts
1 Les vedettes du roman :
- Le Whisky, personnage à part entière, le Scotch, le Pur Malt de douze, vingt-cinq, trente ans d’âge, dégusté, avalé, partagé, rejeté, essentiel, couronné par l’apothéose finale du Single Malt distillé en 1984.
- La pluie (la première apparition du soleil entre deux averses arrive en p. 122), la bourrasque, la bruine, l’humidité pénétrant les vêtements qui ne sèchent jamais.
- George Orwell (plus connu à Jura sous son vrai nom d’Éric Blair) et son œuvre dont Ray Walter a une connaissance exhaustive.
2 Les acteurs principaux, dans l’ensemble bien campés :
- Ray est l’ingénu de l’histoire. En quête de paradis préservé et de perfection bucolique, il découvre que les Diurachs manient fort bien Internet et qu’ils ont tout appris de lui sur la Toile. Désemparé, confronté à l’inconfort persistant, il reste désintéressé, capable de respecter Molly, la petite peste aguicheuse et naïve à laquelle il s’attache au point de la doter pour lui permettre de quitter l’île; il n’en subira pas moins la haine hystérique du père de la jeune fille, Pitcairn, nationaliste virulent qui ne supporte pas « les touristes ».
- Farkas, le plus amical de la bande, n’est quand même pas vraiment sûr de n’être pas un loup-garou, comme tendraient à le prouver les cadavres d’animaux dépecés, régulièrement déposés sur le seuil de Ray. Mais sait-on ce qu’on fait lorsque l’on est imbibé de scotch jusqu’à la moelle ?
- Enfin, Mrs Kletzski, la vieille teinturière polonaise de Chicago, symbolise -peut-être- le grand nettoyage final auquel aspire le héros.
Quelques réserves
1 On s’attendait à ce qu’Andrew Ervin, titulaire d’un diplôme de philosophie des religions, donne à son personnage une dimension spirituelle qui est en fait totalement absente. Ray Welter arrive à Jura pour accomplir un « travail sur soi », vaguement New Age, teinté d’écologisme et de remords, qui ne le mène nulle part sinon à un pessimisme profond .
2 Le style. Si les descriptions sont agréables à lire et très évocatrices, les dialogues relèvent d’une mauvaise série B américaine mal traduite.
3 Il semble bien étonnant que le héros accepte -par deux fois- de s’isoler en compagnie d’un fou furieux qui a juré de le tuer. Mais, après tout, il s’agit d’un conte qui flirte avec le fantastique et la vraisemblance n’est peut-être pas de mise...
Encore un mot...
Cette fable sociologique à l’américaine, un peu maladroite, laisse tout de même bien augurer des prochaines œuvres d’Andrew Ervin.
Une phrase
p. 86, Ray donne rendez-vous à son ami Bud dans un bar de Chicago, le MacCrotchety’s, qu’il décrit ainsi :
« Le vaisseau amiral de ce qui deviendrait bientôt une chaîne nationale de bars thématiques offrant une nostalgie expurgée et sans tabac. Le lieu était censé ressembler aux bouges du vieux Chicago (….) sauf que manquaient à l’appel les vieux et authentiques poivrots forcés de se réfugier dans les quelques vrais bouges qui avaient survécu. MacCrotchety’s rappelait une époque détruite par les bars tels que MacCrotchety’s »
Bien vu, non?
L'auteur
Né à Philadelphie en 1971, Andrew Ervin, auteur de nombreuses critiques, dont une étude sur l’esthétique des jeux vidéo, s’est lancé dans la littérature avec un recueil de nouvelles, «Les restitutions extraordinaires » (2010), et ce premier roman, dont Gallimard vient d’acheter les droits de traduction.
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