L’impossible retour

Retour nostalgique au Japon ou impossibilité de vivre à nouveau le passé.
De
Amélie Nothomb
Albin Michel
Parution le 21 août 2024
158 pages
18,90 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

C’est le récit à la première personne du dernier voyage au Japon en 2023 de l’auteur avec une amie à laquelle elle sert de guide. Avec les descriptions des splendeurs de Kyoto à Tokyo, Amélie Nothomb, d’un style simple et retenu, nous fait partager la plénitude de ses extases face aux beautés de l’art et des réalisations japonaises. Elle nous fait également découvrir la délicatesse des règles de comportement qui déterminent la vie japonaise. Le style réservé d’Amélie, qui peut surprendre par la sobriété des commentaires, se comprend davantage au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture, comme si elle voulait à travers cette retenue nous faire sentir que la subtilité du laconisme japonais, surtout quand il s’agit de beauté, laisse à l’interlocuteur la liberté de la sentir et la ressentir par lui-même bien mieux que ne le ferait une longue explication. 

Enfin, la nostalgie du Japon, des vies passées et aussi le souvenir de son père intimement lié au Japon colorent tout le récit. Comment comprendre ce qu’est l’impossible retour ? Non seulement que l’on ne peut pas revivre les choses du passé, et peut-être que le souvenir est plus fort que ce que serait la tentative de le revivre. 

Points forts

A travers ce voyage, Amélie évoque ce qu’est la nostalgie : une faiblesse peut-être qui agace les autres, une richesse profonde qui exprime la puissance et la force des souvenirs qui tissent l’intérieur de notre être, et en ce sens, la nostalgie est à la fois un bonheur, une épreuve et une souffrance.  

Enfin, la nostalgie est un sentiment qui ne se partage pas, qui ne se dit pas au risque d’en affaiblir la teneur.

Sous un autre angle, Amélie nous impose la puissance envoûtante du Japon, sa beauté, sa délicatesse, sa dureté, sa puissance de rejet de celui ou celle qui veut se comporter comme un Japonais. Tout cela compose un ensemble irrésistiblement fascinant, attirant et si difficile à comprendre pour un Occidental. 

Quelques réserves

Le style de la conversation donne parfois lieu à des truismes, des métaphores un peu pataudes, quelques redites et une écriture tracée un peu trop vite. 

Encore un mot...

Un livre qui se lit d’un trait, dans lequel Amélie nous fait bien comprendre le charme et les ambiguïtés du Japon, par trois personnages, Pep, l’Occidentale qui réagit en Occidentale tout en étant passionnée par ce qu’elle découvre, Alice, l’amie installée au Japon qui a adopté le Japon dans tous ses formes et qui y vit parfaitement bien et Amélie elle-même, qui en dépit des échecs et des souffrances de sa vie japonaise passée, comprend la vie japonaise et y est viscéralement attachée. 

Un dernier aspect est fort bien évoqué par Amélie : la dureté du retour. La déliquescence des souvenirs est effrayante. Décourageante est l’incapacité à communiquer aux autres, dans le récit qu’ils nous réclament et qui en définitive ne les intéresse aucunement, les richesses fugitives du voyage accompli. 

Une phrase

  • « Depuis cet arrachement initial, j’étais retournée au Japon. Cela n’avait pas marché. J’avais fini par m’enfuir. Un tel échec n’avait rien changé à mon amour : j’étais toujours aussi éperdument amoureuse de ce pays. » P. 26

  • « La nostalgie : je ne m’y étais déjà que trop adonnée. Il s’agit de ma pathologie préférée. Il faut donc que je lui résiste. N’était-il pas temps que je redécouvre le Japon sans être obsédée par ce que j’y avais vécu ? » P. 26

  • « La nostalgie est un sentiment crépusculaire, la mienne grandit dans ma poitrine. Je découvre la jouissance de ne pas la partager. » P.32

  • « Ce qui est important, lorsque l’on contemple, c’est de retrouver l’harmonie qui est en soi. » P. 39

  • « Méditer sur le jardin du Ryōan-ji, c’est explorer une hypothèse de vie que l’on ne retiendra peut-être pas mais dont la simple éventualité nettoie l’âme. On pourrait en effet se dépouiller jusqu’à atteindre l’âpreté la plus rare, celle de l’esprit : ce vide, cette caisse de résonance idéale pour ressentir le monde enfin tel qu’il est, sans l’encombrer de notre tumulte intérieur dans lequel nous avons la vanité de voir de la pensée. Il faudrait ratisser notre vide comme ce jardin. » P.41

  • « Heureux comme Ulysse, on commence son récit, avec moins de talent qu’on avait cru, et au bout d’une demi-seconde on s’aperçoit que son Odyssée n’intéresse pas, on vous a interrogé par politesse, tout le monde vous interrogera de façon identique et aura une occupation obligeant à interrompre votre récit, mais ne vous avisez pas pour autant de ne pas répondre, de dire par exemple que vous êtes encore sous le charme et que vous préférez différer votre réponse, on vous jugera égoïste et désagréable, il est indispensable que vous tentiez de raconter, offrant ainsi à votre auditoire l’occasion de se dire que vous êtes mortellement ennuyeux. Cela pourrait paraître anecdotique si ce n’était à l’image de ce que l’on ne tardera pas à éprouver soi-même. » P.151

L'auteur

Amélie Nothomb, née le 6 juillet 1966 en Belgique, a vécu sa petite enfance au Japon, son père y étant appelé comme diplomate. Elle a vécu hors de Belgique jusqu’à 17 ans, suivant les déplacements de son père. Amélie Nothomb est retournée plusieurs fois au Japon. C’est à partir de son expérience du Japon qu’elle a écrit Stupeur et tremblements, grand prix du roman de l’Académie Française en 1999. Romancière prolifique. Elle a reçu également le prix Renaudot en 2021 pour Premier sang, ainsi que bien d’autres nominations. 

Sur Culture-Tops les chroniques des romans d’Amélie Nothomb : 

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