L’île de la Française
Parution le 6 mars 2024
228 pages
20 euros.
Infos & réservation
Thème
André et Odile acquièrent une maison sur une île des Cyclades où ils viennent régulièrement passer l’été avec leur fille Pénélope.
La Grèce émerge à peine de neuf années de conflit, une guerre civile de quatre ans venue ajouter son lot de malheurs aux cinq années précédentes sous domination nazie.
La mort d’André et la disparition mystérieuse de Pénélope sur l’île foudroient Odile qui retrouve auprès de Clio la force de continuer à vivre, en lui faisant partager sa passion de la photographie.
Clio est une jeune grecque dont la famille a été décimée.
Tourmentée et affamée, contrainte par une parente peu scrupuleuse, elle entre dans un couvent, en espérant néanmoins y trouver un peu d’affection et un certain confort alimentaire.
La réalité sera toute autre, assombrie par la perversité d’une mère supérieure castratrice.
La photographie lui permettra de retrouver le goût de vivre et d’aimer...
Points forts
Le roman de Metin Arditi est bouillonnant à plus d’un titre.
Sociologique tout d’abord, en offrant cette vision très affective d’une société en rupture après un conflit meurtrier en partie endogène et qui tente de reconstruire un modèle de coexistence pacifique.
Artistique ensuite, soutenu par l’histoire, la culture et l’esthétisme d’un peuple dont le passé n’a d’égal que la beauté de sa nature.
Religieux, avec le constat d’une forme d’ignominie dans l’exercice outrancier de la Foi et dont la révélation avait été à l’époque à l’origine d’un scandale national.
Humain enfin, par le prisme coloré du lien, noirci dans la rupture mortelle et éclatant dans l’établissement d’une nouvelle relation filiale.
Et l’auteur nous offre finalement un texte s’épanouissant dans l’opposition : la paix après la guerre, la beauté après la laideur, le bonheur après la peine et la vie triomphante après la mort...
Quelques réserves
Très peu sauf peut-être cette description «hamiltonienne » des séances de photographie des moniales au sein du monastère et une difficulté à croire en la mutation d’esprit si aisée d’une mère supérieure au cynisme affiché!
Encore un mot...
Voilà un vrai roman regroupant tous les ingrédients d’un plat littéraire réussi: le sel de l’amour, accompli entre André et Odile, complexe entre Odile et sa fille Pénélope, tendre entre la même Odile et Clio.
L’acidité du rapport de soumission au sein d’une communauté religieuse, des tensions entre les membres d’une population d’un petit village exposé à un drame local.
La sucrosité d’un lieu idyllique bleu et chaud et l’amertume enfin de ces moments de vie gâchés par le rejet de l’autre.
Une phrase
: « Elle( Odile) ne valait pas mieux que les moniales qui, pour s’approcher du Christ, perdaient tout sens des réalités. Sans doute pensaient-elles qu’aimer à la folie était une preuve de fidélité, lorsque ce n’était que de la complaisance. » Page 187
L'auteur
Metin Arditi, né en 1945, est un écrivain francophone suisse d’origine turque.
Son œuvre marquée par l’obtention de divers prix littéraires est orientée vers l’étude du lien humain, de sa complexité comme de son manque.
Plusieurs romans sont les traceurs d’un parcours personnel défini par l’éloignement et la souffrance de la solitude tel « Loin des bras » ou témoignent d’une curiosité multifocale artistique, (« Le turquetto », « L’homme qui peignait les âmes ») ou religieuse, (« Le bâtard de Jérusalem »).
Chacune de ses productions littéraires offre en tous cas un plaisir sans cesse renouvelé !
Quelques titres des nombreux ouvrages de Metin Arditi sur Culture-Tops :
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