L’Heure des oiseaux
Publication en avril 2023
148 pages
17 Euros
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Thème
Une jeune ornithologue débarque sur l’île de Jersey afin d’en apprendre davantage sur l’enfance de son père, un père pianiste mais dont la mémoire s’en va. Ce père est passé dans l’orphelinat de l’île dans les années 1950. Etrangement, il n’a aucun souvenir de cette époque si ce n’est un prénom : Lily.
Lorsque la narratrice tente d’enquêter, elle se heurte au mutisme des îliens qui se dérobent face à ses questions. Chacun semble vouloir oublier cette histoire d’orphelinat.
En courts chapitres, la narratrice alterne l’histoire de Lily et du Petit frère dans cet orphelinat et de l’enquête qu’elle mène soixante années plus tard.
Points forts
- La poésie de la description de la nature luxuriante, le chant des oiseaux, en opposition avec la noirceur de la vie dans cet orphelinat.
- L’histoire part d’un fait réel : à la suite de découvertes d’ossements, une enquête fut diligentée sur cet orphelinat fermé en 1989. L’orphelinat se situait donc sur l’île de Jersey et les sévices tant psychologiques que physiques furent terribles sur les enfants qui lui étaient confiés. Mais l’enquête avait été seulement esquissée afin de ne pas ternir l’image paradisiaque de cette île avec sa nature éblouissante, ses plages, sa vie rêvée ( !). Une île qui était aussi un paradis fiscal…
- La personnalité de Lily, enfant solaire, plus forte que les autres, « différente » avec son envie de liberté qui menace l’autorité. Lily puise sa force dans la beauté de la nature, les fleurs, les arbres et surtout les chants des oiseaux ; sa force est renforcée par son imaginaire et l’amour inconditionnel qui la lie à Petit frère qu’elle veut protéger en souvenir de leur mère.
- Une belle rencontre avec l’ermite, un homme accusé à tort d’agressions et qui s’exila alors sur un îlot proche pendant quatorze ans.
Quelques réserves
Je n’en ai pas trouvé. Certes les personnages de Lily et Petit sont inventés par la narratrice, mais leur existence donne toute sa force à la poésie de ce magnifique petit livre.
Encore un mot...
C’est donc à partir d’un fait réel, que la narratrice nous parle avec grâce et justesse de l’enfance avec ses peurs, ses traumatismes, mais aussi ses rêves.
Grâce aux chapitres courts et bien rythmés, cette construction en deux temps - d'une part la volonté de Lily et d'autre part les découvertes qui se suivent au cours de l’enquête - donne une grande puissance à ce livre.
L’auteure dénonce la violence inconcevable dont ont fait preuve ces hommes et femmes dans l’orphelinat, la lâcheté de ces îliens qui ont su, n’ont voulu rien dire afin de préserver l’image paradisiaque de leur île, entre France et Angleterre.
Nous sommes entraînés dans le passé mystérieux de Lily portée par la beauté de la nature, le chant des oiseaux et surtout son amour inconditionnel pour Petit frère. Lily c’est la grâce dans la noirceur de l’histoire.
Le silence de certains habitants se lèvera petit à petit et la narratrice brise enfin ce silence en découvrant qui est Lily, ce prénom, seul souvenir de son père lors de son passage dans l’orphelinat.
La plume de Maud Simonnot est sensible et poétique. C’est une atmosphère particulière où la beauté de la nature, les couleurs, le chant des oiseaux allègent le cœur des enfants maltraités, et en quelque sorte la noirceur des adultes.
Un très beau livre, un beau moment que j’ai savouré en entendant les gazouillis des oiseaux en ces jours d’été.
Une phrase
- « Dès les premiers mètres, les bois répandent leur odeur aromatique et poivrée. Quand Lily apparaît dans un halo de lumière, les oiseaux lui font la fête. Des dizaines de mésanges volent près d’elle, jusqu’à frôler ses cheveux et ses bras. Les passereaux modulent leurs cris différemment, plus fort, plus aigu. Toute la Forêt oubliée bruisse de joie. » p. 61
- « Son esprit, dès l’instant où l’ombre l’a touchée, s’est échappé très loin de la cave, et elle croit entendre son rouge-gorge qui module ses trilles purs à travers la forêt. Elle est certaine que, durant des heures sans s’arrêter, tant que durera son supplice, l’oiseau à l’instinct infaillible chantera » p. 129
- " Elle se lève très doucement pour ne pas réveiller le Petit, marche vers l’entrée de la grotte et écoute. Rien à part les premiers chants qui emplissent la canopée. C’est son heure préférée, celle où la forêt devenue bleue renaît. Cette heure merveilleuse, suspendue avant l’aube, où tous les chagrins s’effacent, où tous les espoirs semblent permis. L’heure des oiseaux. » p. 147
L'auteur
Maud Simonnot est la directrice de la NRF depuis 2022. Son premier roman L’enfant céleste (Editions de l'Observatoire, 2020) a obtenu le Prix Goncourt de l’Italie.
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