L’herbe brille au soleil et autres nouvelles
Parution le 19 octobre 2022,
Préface de Luca Bufano
Traduit de l’italien par Frédéric Sicamois
180 pages
18 €
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Thème
C’est à l’occasion des célébrations du centenaire de la naissance de Beppe Fenoglio (1922-1963) que les Cahiers de l’Hôtel de Galliffet lui rendent hommage en publiant cet automne 2022 un recueil de ses nouvelles jusqu’à présent inconnues du public français.
Qu’il s’agisse de nouvelles, de récits ou de romans, la solitude humaine traverse l’œuvre de Beppe Fenoglio et L’herbe brille au soleil et autres Nouvelles en sont le témoignage. L’herbe brille au soleil paraît en 1961 et L'Échange des Prisonniers en 1959. Quatorze pages pour L’Herbe brille au soleil, sept pour L'Échange des Prisonniers. L’avenir de chacun n’est rien d’autre qu’une interrogation inutile, aussi froide qu’un hiver sans fin ni raison. Dans le silence et le hasard des jours, la violence des hommes est quotidienne, qu’ils s’en vantent ou la cachent. Soldats ou prisonniers des fascistes italiens de la Seconde Guerre mondiale, tous se narguent, et tuer, sous la plume de l’auteur, devient un geste comme un autre : il ne s’agit plus de défendre mais d’abattre.
Points forts
Les personnages de Beppe Fenoglio, qu’il s’agisse d’un vieil homme ou d’une femme comme Fulvia Pagani, sont si bien rendus qu’ils existent pour le lecteur. « J’avais compris, au premier regard, que pour Fulvia la beauté et l’élégance étaient des catégories sans concession. » (La rencontre, p. 132)
Quelques réserves
Les nouvelles de Beppe Fenoglio et L’herbe brille au soleil sont lues avec une aisance telle qu’elles nous donnent l’impression de n’avoir eu qu’une place de quelques instants comme si l’auteur aimait que nous ne puissions voir de l’intrigue qu’une esquisse hâtivement ressentie.
Encore un mot...
L’assemblage des nouvelles l’une après l’autre donne à chacune un rythme particulier. De la panique, le lecteur passe à l’échange de conversations entre deux hommes, tous deux intéressés par la littérature et la société anglaise que Beppe Fenoglio aimait particulièrement. « War can’t be put into a book » en est l’exemple.
Une phrase
- « Jacques jeta un œil vers le dernier virage et aperçut le premier camion de secours, branlant et débordant de soldats gesticulant. Un fasciste était sorti des maisons et courait vers le camion les bras tendus. Jack tourna sur lui-même et lui tira une rafale, mais sans viser…Jack, à présent courait, il courait debout mais à toutes jambes, mais il lui semblait être immobile…Jack entendit un sifflement très aigu. Il ne s’arrêta pas de courir mais il ferma les yeux. Une explosion sur le côté droit, mille morsures d’éclats de tuf dans la nuque et il tomba comme mort. » (p. 99).
- [Parmi la petite bande d’ennemis des fascistes, un jeune de quinze ans et une dizaine d’autres risquant leurs vies dont un certain Maté, âgé de 23 ans que le commandant des troupes voulut mettre de son côté après l’avoir menacé d’être fusillé s’il ne rentrait dans leur camp] :
« Ecoute-moi bien, dit le major. Cela me répugne d’ôter du monde les vrais soldats. Il en reste si peu désormais, en Italie, de vrais soldats. Il y aurait un moyen. J’en ai déjà parlé avec mes officiers. Ecoute-moi bien. Passe de notre côté. Mets notre uniforme et ta vie est sauve… je te promets solennellement sur ma parole d’officier, nous ne te ferons jamais combattre contre tes anciens camarades. Je te promets que nous te garderons toujours mais à la caserne. » (p. 105)
- [En s’interrogeant sur ce que vont devenir ses biens quand il ne sera mort, un vieil homme s’interroge :]
« Une fois allongé …il n’éteignit pas immédiatement la lumière, comme il faisait d’habitude. Il contempla ses biens : l’armoire à trois miroirs, la commode de la taille d’un grand buffet, les chaises matelassées qui semblaient des dames assises ; autant de meubles qu’il avait fait faire lui-même, dans les règles de l’art. Où et comment finiraient-ils, après ? Et pourquoi n’y avait-il jamais pensé auparavant, ni sérieusement au destin de ses biens ? Il éteignit la lumière et se tortilla longuement, un peu pour trouver une meilleure position dans le lit et un peu pour se débarrasser de ces pensées. » (L’affaire de son âme, p. 119)
L'auteur
Beppe Fenoglio (1922-1963), né à Alba au Piémont, est l’auteur de neuf romans et de nombreuses Nouvelles et Récits qui paraissent entre 1952 et 1994. Les Nouvelles et Récits ont commencé par Les Nouvelles de la Ville d’Albe, parues en 1952, traduites et présentées en 1987 par Alain Sarrabayrouse, éditions Gérard Lebovici/Editions Ivrea, puis La Louve et le Partisan, traduit par Monique Baccelli, Gallimard, 1998. Parmi ses romans, Le Mauvais Sort (traduit par Monique Baccelli, Denoël 1954) ; Le Printemps du Guerrier (1959, traduit par Monique Baccelli, Denoël 1959) ; Une Affaire Personnelle (traduit par Nino Frank et Jean-Claude Zancarini, Gallimard, 1978) ; La Guerre sur les Collines, (traduit par Gilles de Van, Gallimard, 1973) ; La Paie du Samedi, (traduit par Monique Baccelli, Gallimard 1990) ; L’Embuscade, (traduit par Monique Baccelli, Gallimard 1994).
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