Les leçons du vertige
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Thème
2016. le gardien d’un refuge voit monter vers lui « un monsieur, un crétin et un genre de tapette » : Claude Varlin, 80 ans, accompagné de ses deux fils, Pierre, 47 ans, et Charles, plus jeune de 10 ans. Les trois hommes semblent ne pas avoir grand-chose en commun, sinon un nez abrupt qui leur perce le visage. C’est donc dans ce chalet d’Ariège, à 3 000 m d’altitude, que Claude va demander à ses enfants de retrouver sa sœur Gilberte, perdue de vue depuis des années pour cause de brouille familiale. Charles refuse pour d’obscures raisons que l’on découvrira plus tard et c’est Pierre qui « s’y colle ».
1985. La recherche de sa tante amène Pierre à revivre l’année de ses 16 ans, lorsque le mari de Gilberte, son oncle Jeanji, lui révélait les délices de la boîte de nuit stéphanoise « Le Vertige » et réussissait à convaincre son groupe fétiche, Leitmötiv, de se produire à Saint Etienne.
Points forts
- Traquer les apparences et les faux-semblants derrière les êtres qui peuplent ce roman largement autobiographique, tel semble être le pari (réussi) de l’auteur. Chacun des personnages réserve ses surprises et seule une lecture attentive permet d’en découvrir les prémisses. La force du roman se niche dans les détails.
- Du Minitel rose à Facebook, trente ans de notre histoire récente sont évoqués par petites touches en un va-et-vient bien mené qui permet à l’auteur d’analyser l’incompréhension intergénérationnelle et la montée de la sinistrose économique. Montal pointe en outre avec bonheur le tourbillon de mots creux, la mièvrerie bien-pensante et les poncifs redondants qui sont la marque de notre époque.
- La ville mourante de Saint-Etienne, dévastée par la désindustrialisation, si laide que ses terrils s’appelaient des « crassiers », est décrite avec tendresse, à l’image de ce qu’en dit un « grand philosophe » (qui n’est pas nommé mais qui doit être Pierre Boutang) : « Il est dur de savoir l’horreur de cette ville, d’y être né et de l’aimer ».
Quelques réserves
- Un pessimisme profond sourd de ce roman qui ne manque pas d’humour mais manie volontiers les aphorismes définitifs : « Pour Gilberte, l’homme était bête à manger de la paille mais jamais autant que lorsqu’il tentait d’échapper à sa condition d’idiot. CQFD. Cercle verrouillé. Aucune issue. » (p.142)
- Les personnages, souvent attachants, sont d’une complexité qui ne les rend pas toujours cohérents.
- Une bonne connaissance des Groupes, Soul, Punk, Country et Rock des années 85 (ou, à défaut, la lecture assidue de Rock & Folk) est nécessaire, sous peine de ne rien comprendre aux ivresses de Bob, le DJ du «Vertige » ni aux engouements musicaux du jeune Pierre.
Encore un mot...
Une histoire de non-dits, parfois curieusement dite.
Une phrase
Charles réfléchit à son parcours chaotique :
« Surtout, il ne parvenait pas à comprendre comment ces gens de dix ans plus âgés que lui pouvaient vivre dans un système qu’ils lui conseillaient de fuir. Ils auraient pu au moins s’en tenir au code de conduite de base de la bourgeoisie : travaille, creuse ton trou comme nous avons su le faire. Le mérite finit toujours par payer. Mais non, désormais le bourgeois jouait sur les deux tableaux, celui du confort et de la contestation. C’est bien pour nous et dur pour toi, nous te plaignons, mon pauvre, tu ferais mieux de te barrer loin de nous car on va se contenter de te regarder crever sur pied. Une condamnation emballée dans un conseil, le package de la modernité. »
L'auteur
Né en 1971, Jean-Pierre Montal a grandi à Saint-Etienne. Co-fondateur avec Marie David des éditions « Rue Fromentin », il a décidé, à force de lire des manuscrits, de se mettre à l’écriture avec un premier essai « Maurice Ronet - Les vies du Feu Follet » (2013) puis deux romans « Les Années Foch » (2015) et « Les leçons du Vertige » (2017), tous publiés aux éditions Pierre Guillaume de Roux.
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