Les Jours enfuis

Manhattan blues: aussi réjouissant que mélancolique; et grand style
De
Jay McInerney
Editions de L’Olivier - 496 pages
Notre recommandation
4/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

On est à New York. Avec « Les jours enfuis », on embarque pour Manhattan blues. Autrefois, écrit Jay McInerney, « New York, New York… ces lettres s’étalaient sur les couvertures, c’était la ville d’où provenaient les livres et les magazines. Et où se trouvaient toutes les maisons d’édition, les locaux du New Yorker et de la Paris Review, là où Hemingway avait mis son poing dans la figure d’O’Hara, là où Ginsberg avait séduit Kerouac… » 

Manhattan blues… là où on retrouve donc le couple Calloway. Corrine et Russell. Ça tangue entre eux deux. Le mariage, leur mariage est aujourd’hui (à la fin des années 2000) une notion floue. C’est le temps du krach économique, l’Amérique puis le monde se sont pris en pleine figure la crise des subprimes. 

Corrine a eu un amant riche businessman, Luke McGavock- ça a duré quatre-vingt dix jours-, et bosse bénévolement pour une association humanitaire qui aide les plus démunis. Russell est toujours éditeur ; « amateur enthousiaste » de vins, il écoute les Talking Heads quand il fait la cuisine. Et surtout, il a racheté une petite maison d’édition. Il va tenter des coups éditoriaux : éditer un jeune type inconnu venu du Tennessee, et publier (du moins, tenter de) les souvenirs d’un otage américain des talibans au Pakistan…

          Avec les Calloway, la vie a perdu de son éclat. Oui, bien sûr, il y a des soirées de gala, des dîners dans les restaurants chic… mais le souvenir des jours enfuis dévore inexorablement Corrine et Russell. Ainsi, un jour, le plus sérieusement du monde, Russell pose la question- définitive-: qu’est le plus exaltant, le sexe ou la pêche au gros ? Bon, malgré cette question existentielle, il est quand même tout près de suivre une jeune bombe atomique au Chelsea Hotel. Quant à Corrine, elle va tomber par hasard sur son ex-amant, Luke: il vit six mois par an en Afrique du sud, il y exploite un domaine viticole, il y a épousé une jeune fille sportive.   

Points forts

- En ouverture des « Jours enfuis », une citation de Richard Hell, le chanteur, compositeur, bassiste, écrivain poète punk américain et membre du groupe cultissime Television : « Chaque couple a son propre univers, et même à l’intérieur de sa bulle, le mystère reste entier »…

- Le troisième volet d’une trilogie toujours autant mélancolique que réjouissante.

- Surnommé le « golden boy » de la littérature américaine, Jay McInerney prouve une fois encore qu’il est, présentement, un de ceux qui écrivent le mieux New York. Et le couple, aussi.

- La vie new yorkaise disséquée avec cynisme et mordant.

- Un style d’une fluidité délicate, pour émouvoir et réfléchir.

Quelques réserves

Un petit reproche à Jay McInerney : par moments, « Les Jours enfuis » peut paraître à certains lecteurs par trop bavard…

Encore un mot...

          Dans un roman où résonnent des références à Francis Scott Fitzgerald et James Salter, Jay McInerney distille secrets et non-dits. Avec jubilation, il arrange les accommodements, et s’accommode des arrangements. Pointilliste, le romancier américain offre un texte où le sombre côtoie le vertige, la mélancolie la férocité. Mieux : avec « Les jours enfuis », un roman aussi étincelant et éblouissant, Jay McInerney rappelle qu’il est un grand styliste. Pour notre plus grand plaisir...

Une phrase

- « Elle avait l’impression de tricher, d’être fausse et hypocrite. Mais bon, les enfants n’avaient pas l’air d’aller si mal. Il y avait encore un an ou deux, ils étaient tout tristes lorsqu’elle sortait et tentaient de l’en dissuader, ils pleuraient et grinçaient des dents, mais aujourd’hui, ils semblaient ravis de la voir partir. Elle n’était pas sûre de se réjouir tant que ça de leur changement d’attitude ».

- « Quand un couple bat de l'aile, c'est rarement de la faute d'un seul.

Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec toi, protesta Russell. Je n'irai pas jusqu'à accuser Charles Bovary de la conduite de sa femme.

Et pourquoi pas ? C'était tout de même un pitoyable crétin ».

L'auteur

Né le 13 janvier 1955 à Hartford, Connecticut (Etats-Unis), Jay McInerney est un écrivain américain. A 22 ans, grâce à une bourse, il s’installe à Tokyo pendant deux ans. Retour aux Etats-Unis, il écrit pour le magazine « The New Yorker » et lit des manuscrits pour la maison d’édition Random House. Sur les conseils de l’écrivain Raymond Carver, il quitte New York pour l'université de Syracuse. Il y écrira « It's Six A.M. Do You Know Where You Are ? », une nouvelle initialement publiée dans la « Paris Review » et qui deviendra le premier chapitre de son premier roman, « Bright Lights, Big City ». Publié en 1984, le livre connait immédiatement le succès. Avec « Trente ans et des poussières », comédie crépitante à la Tom Wolfe et tragédie à la Fitzgerald parue en 1992, il est encensé par la critique américaine.

Suivront d'autres romans, tels que « Glamour Attiude », « Le Dernier des Savage » et le tout récent « Les Jours enfuis ». 

Jay McInerney travaille également pour le cinéma : il a écrit l’adaptation de son roman « Bright Lights, Big City » pour le film réalisé par James Bridges en 1988 et le scénario de « Gia. Anatomie d’un top model » (1998) de Michael Cristofer avec Angelina Jolie.

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