Les guerriers de l’hiver
Parution le 15 août 2024
447 pages
21,95 €
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Thème
Ce roman relate, sur une trame chronologique, au plus près des événements réels et aux côtés de plusieurs de ses acteurs historiques, l’invasion de la Finlande par la puissante armée russe et la guerre qui s’en est suivie. Entre fin novembre 1939 et mars 1940, en pleine « drôle de guerre » de l’Ouest européen, ce conflit excentré, aussi court qu’intense et tragique, restera dans les manuels d’histoire comme La Guerre d’Hiver. Une saison qui en est aussi un des personnages importants.
Il décrit, sur les deux principaux fronts situés de part et d’autre du lac Ladoga, ainsi que sur d’autres régions comme Helsinki sous les bombes ou la tentative de traversée du golfe de Finlande gelé, l’attaque de l’armée russe et le blocage du front par l’armée finlandaise jusqu’aux conditions qui ont permis l’arrêt du conflit.
L’éclairage est mis tout particulièrement sur la vie quotidienne d’un groupe d’amis au sein de l’armée finlandaise sur le front, lors d’assauts, d’expéditions de guérilla et d’actes de bravoure. Ils entourent un de héros de cette guerre, le sniper implacable Simo Häyhä, surnommé par les russes « la Mort Blanche ».
Points forts
Ils sont nombreux:
Le roman sonne vrai. L’auteur s’est appuyé sur de nombreux documents d’archives publiques et privées, des témoignages d’experts et de son expérience de la Finlande où il a séjourné pour approcher au plus près, malgré le décalage dans le temps, les conditions naturelles réelles et la vie éprouvante des acteurs du conflit.
Le roman sonne juste. Le lecteur est concrètement placé aux côtés des différents acteurs et plongé dans le conflit. Les étapes s'enchaînent en autant de tableaux. Il partage la vie angoissante des soldats des deux camps, aux dialogues sobres. Il est avec eux dans la neige ou sur la glace qui craque au milieu de scènes tragiques, à la table des décisions stratégiques, des négociations et des interventions diplomatiques. L’auteur a effectué une sélection judicieuse des points de vue et sollicite tous les sens.
Le roman est prenant. Malgré les événements complexes qui se déroulent souvent en parallèle lors d’un tel conflit, les ellipses nécessaires et les différents points de vue pris par l’auteur, le lecteur vit littéralement en prise directe avec l’action, en sachant toujours où il est, avec qui il est, et, presque, les dangers qu’il court.
Un beau roman historique donc où l’histoire se met au service du souffle romanesque et vice versa. Il fera découvrir aux lecteurs francophones une période clé pour ce pays méconnu.
A signaler que les portraits des principaux acteurs de cette guerre qui interviennent dans le roman sont rajoutés dans l’ouvrage et donnent chair à ces hommes qui ont fait leur devoir, courageusement, modestement, parce qu’il fallait le faire.
Quelques réserves
Aucune de ma part du fait des très nombreuses qualités du roman et de son efficacité.
A noter simplement que si l’échec de la vaste invasion de la Finlande planifiée par les Russes a certainement attiré l’attention de Hitler et lui a fait sous estimer les risques qu’il allait prendre dans l’opération Barbarossa, cela n’a peut-être pas eu un impact aussi déterminant que celui évoqué dans le roman. De nombreux historiens ont montré qu’Hitler avait dans l’idée l’invasion de la Russie pour de toutes autres raisons, bien avant de connaître l’issue de la Guerre d’Hiver, et aurait certainement lancé Barbarossa, à peu près au même moment et de la même manière, même si l’armée russe avait écrasé l’ensemble de la Finlande, petit pays qu’il méprisait tout autant que le dictateur russe.
Encore un mot...
« A quoi bon sortir et vous ranger en ordre de bataille ? » (1S 17, 8), nous dit le premier livre de Samuel qui relate le duel de David contre Goliath.
C’est bien un combat de cette nature qui a opposé la puissante armée russe au petit et jeune peuple finlandais, tout juste libéré de l’Empire russe à peine vingt ans avant la Guerre d’Hiver.
Les raisons principales du déroulement imprévisible et de l’issue du conflit sont clairement abordées, dont notamment les forces et les faiblesses des deux belligérants au niveau militaire ainsi que les forces et les faiblesses découlant des deux systèmes politiques qui se faisaient face : une petite République d’hommes libres contre la dictature stalinienne tout juste sortie des purges.
Ce livre résonne avec une grande intensité à l’heure où l’Europe connaît un nouveau conflit d’annexion d’un pays européen par les descendants des mêmes agresseurs de la Guerre d’Hiver. Malgré les différences significatives de situation, autant le comportement des troupes que celui de la communauté internationale d’alors ainsi que les conséquences locales et internationales après la Guerre d’Hiver sont à méditer au regard de ce qui se passe sous nos yeux. Ne faudrait-il donc pas, par exemple, mieux écouter aujourd’hui les Etats nordiques ?
Une phrase
« Mais la vengeance ne répare rien, ne ressuscite personne, elle remplit le vide de l’absence, elle donne un but pour ne pas sombrer, elle retient la tristesse et la colère, et une fois assouvie, elle libère tout en un flot dévastateur, sans que rien n’ait vraiment changé. Ainsi la Mort Blanche n’était ni repue ni apaisée, et le feu de sa rage en rien éteint.» (page 282)
"Au Palais des Sports de Paris comme ailleurs, la Guerre d’Hiver était au centre des discussions et suscitait nombre de discours engagés, mais outre une commisération générale de bon aloi, les belles phrases, les poèmes, quelques coups de sabre à la carotide et de vieux skis, à la veille d’une frappe russe sans précédent, la Finlande se battait toujours seule, isolée et abandonnée.» (page 331)
L'auteur
Déjà très connu et apprécié pour ses romans policiers, Olivier Norek livre son premier ouvrage « de littérature blanche ». Il a déjà indiqué lors de récents reportages presse qu’il avait d’autres projets dans ce domaine.
De toute évidence, son expérience professionnelle de policier lui a servi pour rédiger l’ensemble de ses romans et on en trouve aussi l’influence dans Les guerriers de l’hiver. C’est notamment le cas dans les capacités d’observations qu’il met en œuvre pour décrire les scènes de guerre, l’intensité des actes de bravoure tout comme le comportement des acteurs et leur vécu personnel.
Il est également scénariste, ce qui a certainement nourri son traitement cinématographique précis et visuel de l'enchaînement des événements qui se succèdent dans le roman.
Le livre est en cours de traduction dans de nombreuses langues, dont le finnois.
L’auteur a été lauréat du Grand prix littéraire Jean Giono 2024 décerné chaque année depuis 1990 à un auteur de langue française qui défend la cause du roman. Le rendu humaniste mais également intimiste que donne ce livre de cet épisode particulièrement dramatique vécu par tout un peuple correspond parfaitement à l’univers et aux valeurs du grand écrivain provençal, qui était également cinéaste.
Une chronique d’un des romans policiers d‘Olivier Norek est déjà disponible sur Culture Tops : Dans les brumes de Capelans
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