Les Exilés
Infos & réservation
Thème
En 1909, alors que l’Alsace est une province allemande depuis 1871, Claude Héring, un intellectuel parisien fils d’optants – ces Alsaciens et Mosellans ayant choisis la nationalité française –, indifférent de ses origines, voit subitement surgir en lui le sentiment d’appartenir à cette terre lors d’un voyage en Alsace, et le désir de découvrir ses racines.
Au fil de son histoire, c’est tous les caractères de son époque et toute la complexité de l’histoire d’un pays, marqué et façonné par tant de guerres et d’occupants, qui lui fait découvrir une réalité qu’il ne soupçonnait pas en même temps qu’il lui révèle qui il est.
Points forts
- Les éditions Laborintus ont été fondées à Paris en 2015 par un groupe de jeunes chercheurs provenant de toutes disciplines universitaires humaines et sociales, notamment de la littérature, de la sociologie, de la médecine, du droit. Chacune des publications de cette jeune maison d’édition est préfacée par un maître de conférences ou un professeur d’université afin d’éclaircir, de réactualiser et de présenter certains des sujets traités dans une vision renouvelée de la littérature, en commençant par des auteurs qui ont été rangés dans le champ d’une littérature prétendument mineure. L’excellente préface de Jean-Noël Grandhomme, professeur en histoire à l’Université de Lorraine, remet parfaitement l’univers narratif du roman dans le contexte de l’époque avec la profondeur historique nécessaire pour avoir une des grandes clés de lecture de ce livre.
- Ce roman s’il renvoie le reflet de la France d’avant 1914, pose aussi une question essentielle que le XXIe siècle croit avoir inventé, celle de la famille, celle des origines, en un mot, de l’identité. Les Exilés érige un pont entre histoire nationale et actualité, car c’est là l’histoire de la recherche des racines, du sentiment d’appartenance, ou de non appartenance, à une communauté. Comme le fait remarquer Gianpaolo Furgiuele, responsable éditorial des Editions Laborintus, qui a exhumé Les Exilés, ce roman d’Alsace, qui est avant tout le roman de la France, concerne le droit du sol, la langue, ici la condition des Alsaciens, et Acker n’hésite pas, comme le montre Jean-Noel Grandhomme dans sa préface, à « renvoyer la IIIe République à ses erreurs ». En effet, la Revanche, « nouvelle religion patriotique de la République », ne concerne que fictionnellement ses provinces lointaines dont certains enfants sont nés Allemands, et dont on attend le retour des Français depuis plus de trente ans.
- Loin du manichéisme habituel sur la question, ce livre montre l’ambiguïté de la vision française des Alsaciens : « L’Alsacien abstrait est une composante du discours républicain, mais l’alsacien réel dérange », écrit Jean-Noel Grandhomme ; Les images idéalisée des provinces perdues explosent sous la plume d’Acker.
Quelques réserves
Il en faut bien un, sous peine de paraître trop laudatif, qui n’est du reste pas rédhibitoire : les quelques coquilles, dont un certain nombre d’entre elles sont en fait des spécificités propres à la version originale ; elles ne gênent en rien la lecture
Encore un mot...
Ce livre, sorti en septembre 2016 corrélativement aux célébrations commémoratives de la Grande guerre pour le centenaire de la bataille de Verdun, renferme, sous le délicat vernis littéraire, un témoignage historique rare.
Les Exilés sont le miroir d’une époque où la réalité est troublée par la questions de la Revanche, il invoque aussi la délicate question de l’identité alsacienne qui rappelle la destinée écartelée de l’Alsace depuis toujours, enchâssée entre France et Allemagne.
Ce livre fait le jour sur cet exode dramatique qu’a été le départ de centaines de milliers d’Alsaciens (et Lorrains Mosellans) devant fuir la terre de leurs ancêtres pour une France auxquelles ils étaient attachés, comme le prouvaient leur choix, mais qui les séparaient de la « petite patrie », de leur famille et qui verrait opposer, sous différents drapeaux, des membres d’une même famille dans la Grande Guerre.
Claude Héring qui n’est autre que le double narratif de Paul Acker montre toute la complexité de l’identité alsacienne, germanique par essence et farouchement attachée à la France, ne pouvant être qu’elle-même, c’est-à-dire alsacienne.
C’est un livre à redécouvrir pour tous les passionnés d’histoires méconnues et à plus fortes raison pour les lecteurs dont les ancêtres étaient des optants car c’est là le roman d’une histoire qui pourrait être celle de nombre d’entre eux.
Une phrase
- « L’Alsacien où qu’il soit [de 1870] est toujours, depuis la guerre, un exilé. S’il vit en France, il y est en exil de sa petite patrie, s’il vit en Alsace, il y est en exil de la grande patrie; nous sommes toujours des exilés. »
- « Il eût été étonnant que, descendant d’une longue lignée d’Alsaciens, passionnés de leurs pays, comme tous les Alsaciens, tu ne finisses par être un fervent Alsacien … »
L'auteur
Paul Acker est un écrivain originaire d’une famille d’Alsaciens ayant opté pour la nationalité française après l’annexion allemande de 1871.
Journalistes reconnus, collaborateur à L’Echo de Paris et à La Revue des deux Mondes, il tombe dans l’oubli après sa mort en 1915, au cours de la Grande Guerre.
Il est notamment le tout premier récipiendaire du Grand Prix du roman de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre, à titre posthume, en 1915.
Ajouter un commentaire