Les Enfants endormis
Parution août 2022
218 pages
20 €
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Thème
Juin 1981. L’infectiologue français Willy Rozenbaum consulte un bulletin épidémiologique américain. Il est frappé par le recensement discret en Californie de cinq cas de pneumocystose chez des sujets jeunes, pathologie quasi disparue sauf chez des malades très immunodéprimés. En juillet, l’immunologue français Jacques Leibowitch apprend par sa sœur dermatologue qu’un cancer de la peau extrêmement rare touche deux patients : le sarcome de Kaposi. Le même mois de juillet, le bulletin épidémiologique a justement publié un article qui fait le lien entre pneumocystose et sarcome de Kaposi dans la communauté homosexuelle californienne et new-yorkaise. Leibowitch et Rozenbaum entrent en contact, puis échangent avec des confrères qui recensent d’autres cas inexplicables en quelques semaines, lesquels en cachent probablement beaucoup d’autres. Il est temps de donner l’alerte.
A la même époque, dans une bourgade de l’arrière-pays niçois, la vie d’une famille besogneuse et paisible s’apprête à basculer dans l’enfer quand Désiré, le fils aîné, et sa femme Brigitte, se mettent à enchaîner les infections et à dépérir inexplicablement. A mesure que le diagnostic et ses causes se précisent, la famille refuse de poser un nom sur le mal. Ensemble, la recherche et la maladie progressent - mais à des rythmes hélas bien différents ...
Points forts
Dans un livre très accessible, Anthony Passeron alterne récit social et récit intime, la maladie faisant trait d’union. Des plans larges sur les tâtonnements des chercheurs succèdent à des plans serrés sur Désiré et sa famille, le déni, la solitude face à un virus méconnu et à la honte d’une maladie qui ronge des populations dites marginales.
Le récit restitue le désarroi des scientifiques et celui de gens simples soudain projetés au cœur d’une actualité dramatique d’échelle internationale alors qu’ils n’ont même jamais franchi les frontières de leur province. Ils découvrent avec douleur les facettes sombres d’un Désiré qu’ils croyaient connaître, le voient disparaître progressivement, physiquement, à mesure que la maladie avance. L’auteur maintient un suspense éprouvant en retraçant l’évolution des recherches : les tout premiers cas, l’isolement du virus, l’impuissance devant ses mécanismes d’attaque, les espoirs et les désillusions, et tardivement les trithérapies et un Nobel. Le lecteur a beau savoir qu’il n’y aura ni salut ni guérison pour Désiré, il est lui aussi porté par l’illusion que la science réussira à temps.
Quelques réserves
Sur un tel sujet, l’écriture d’Anthony Passeron paraît un peu fade. Il lui manque la tension d’un Cyril Collard dans Les Nuits fauves (Flammarion) et la dimension littéraire d’Hervé Guibert dans l’implacable A L’Ami qui ne m’a pas sauvé la vie (Gallimard). C’est un livre méritant mais dont on ne garde pas grand souvenir et dont le projet - écrire pour laisser une trace et consoler - est banal.
Encore un mot...
De nos jours, on n’aborde plus guère le sida en littérature. Les chroniques du confinement et du covid semblent avoir chassé des esprits un virus pourtant terrifiant et une épidémie qui a tué 36 millions de personnes. Le témoignage d’Anthony Passeron rafraîchit nos mémoires oublieuses en rappelant les rebondissements épouvantables de l’épidémie et le péril bien réel que représente toujours le virus même si les trithérapies le cadrent. L’enfant qu’il était a vécu la pulvérisation de sa famille dont les membres n’ont pas réussi à intégrer la vérité de Désiré, de sa femme Brigitte, de leur bébé, tous contaminés, tous morts, et l’ont longtemps confisquée.
Une phrase
« … écrire était la seule solution pour que l’histoire de mon oncle, de ma famille ne disparaissent pas avec eux, avec le village. Pour leur montrer que la vie de Désiré s’était inscrite dans le chaos du monde, un chaos de faits historiques, géographiques et sociaux. Et les aider à se défaire de la peine, à se sortir de la solitude dans laquelle le chagrin et la honte les avaient plongés. » (p11)
L'auteur
Le sida faisait ses premiers ravages dans le monde occidental quand Anthony Passeron est né, du côté de Nice, en 1983. Après ses études, il est devenu professeur de lettres, d’histoire et de géographie dans un lycée professionnel. Puis, il a cessé d’enseigner, sans renoncer à la pédagogie, pour travailler dans le domaine du e-learning scolaire où il est aujourd’hui concepteur. Les Enfants endormis est son premier ouvrage. Il vient de recevoir le Prix Première Plume 2022 (décerné par des libraires) et figure dans les premières sélections des prix Fnac et Flore 2022.
Commentaires
Très agreable de retrouver votre écriture » impeccable «
Baudelaire en son temps avait qualifié Théophile Gauthier d’ «écrivain impeccable« , C’etait à propos de Mademoiselle de Maupin .
Il s’opposait ainsi à la critique utilitariste qui conspirait à l’échec de ce roman tout en finesse de langue et de psychologie .
Mais ça vous le saviez !
Milé Jarra
Magnifique yea
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