Les émotions
238 pages -
18,50 €
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Thème
Les émotions est le deuxième tome d’un nouveau cycle (après les quatre romans du cycle romanesque de Marie rassemblés sous le titre M.M.M.M.) entamé avec La clé USB parue en 2019.
On retrouve son héros (son double ?) Jean Detrez là où on l’avait quitté, à son retour du Japon alors que son père vient de mourir. On le suit à la fois dans ses pérégrinations professionnelles et son activité pour la Commission européenne où il travaille sur la prospective, et ses histoires de cœur avec toute une succession de flash-backs et de nouvelles rencontres amoureuses qui sont le cœur de ce roman léger, mais moins qu’il n’y paraît …
Points forts
Fonctionnaire pour la commission européenne, comme son père, Jean Detrez est inquiet et on le comprend puisqu’il vient en quelques mois d’assister impuissant au Brexit et à l’élection de Donald Trump. Réuni avec d’autres experts de tous les pays pour un séminaire à Hartwell House – description hilarante des réunions pendant lesquelles ces experts s’écharpent sans qu’il ne semble en sortir de résultats concrets – son attention va être très rapidement détourné par la présence d’une jolie norvégienne, Enid Eelmäe, avec laquelle se noue une relation qui va vite le détourner de ses objectifs professionnels et requérir tout son intérêt. Le basculement de l’avenir public vers l’avenir privé est le vrai sujet du roman. Au premier une méthode scientifique établie et éprouvée, au second un cocktail de fantasmes, de spiritisme et de voyance synonyme d’incertitudes et d’aventures aléatoires.
Jean-Philippe Toussaint délaisse l’étude de l’avenir pour une quête du passé dans lequel il se plonge avec délectation : sa première femme, Elisabetta, rencontrée en Toscane, qu’il revoit à l’enterrement de son père et regrette de n’avoir pas su l’aimer ni leur avoir donné la chance d’un amour plus ambitieux qu’il a finalement gâché au premier accroc ; sa femme actuelle Diane, avec qui la séparation tourne au vinaigre mais dont il se souvient de la rencontre avec émotion et tendresse. C’est toute une partie de sa vie amoureuse qui défile avec nostalgie.
Car il est là l’intérêt majeur du roman, les émotions, celles que lui procure le charme de rencontres amoureuses, sensuelles, furieusement romanesques. Chez Toussaint, ce sont les petits détails qui font tout, sur lesquels il s’attarde avec bonheur et envie comme s'ils constituaient l’essence de la vie. De ces émois incontrôlés naissent des rêveries poétiques charmantes, des moments de grâce qui ne sont pas destinés à être prolongés mais à s’effacer sans être totalement oubliés.
Quelques réserves
Comme pour dans La clé USB, quelques passages moins passionnants : sur l’avenir de l’Europe et les méthodes de la prospective - scoping, ordering, implications, integrating futures – au final bien peu de choses !
Encore un mot...
Où l’auteur tente de concilier son activité professionnelle, qui nécessite de comprendre le passé et le présent pour envisager le futur, avec l’exaltation que lui procure la rencontre de femmes, passées et présentes, sans qu’il semble capable d’envisager un avenir à ces aventures sentimentales.
Une phrase
« J'avais envie de déposer ma main sur son bras, mais je n'osais entreprendre le moindre geste. Il y a toujours un moment, dans les relations amoureuses, où, même si on sait que nos corps vont finir par se rapprocher, qu'une étreinte va survenir, qu'un baiser ne va pas tarder à être échangé, on demeure dans l'attente, et rien ne se passe si on ne prend pas la décision d'agir. Même si on sait l'un et l'autre que quelque chose de tendre est susceptible de survenir à tout instant, il y a un dernier cap à franchir, qui peut sembler minuscule, et dont on peut même se rendre compte, a posteriori, en se retournant pour revoir la scène dans son souvenir, que ce n'était en réalité qu'un tout petit gué tellement aisé à traverser, mais qui, tant qu'il n'est pas franchi, tant qu'on ne l'a pas passé, demeure un obstacle insurmontable ». Page 76
L'auteur
Jean-Philippe Toussaint est un auteur belge, romancier mais également cinéaste. Il poursuit aux éditions de minuit une œuvre riche d’une quinzaine de romans parfaitement « raccord » avec la ligne éditoriale fixée par Jérôme Lindon depuis qu’il en a pris la direction en 1948, et poursuivie par sa fille Irène Lindon après sa mort en 2001. Ses livres, écrits dans un style minimaliste, mêlent étroitement réalité et fiction en laissant une part à l’imagination, celle de l’auteur mais aussi celle du lecteur qu’il sollicite en permanence.
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