Les douze portes dans la maison du sergent Gordon

Un grand roman barbare et poétique
De
George Makana Clark
Editions Anne Carrière - 305 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

En douze  chapitres -nouvelles, fables, paraboles ?- mêlant réalisme, légende, mythe et histoire, le fantôme-conteur de Gordon, tapi dans sa maison aux douze portes dévastée par la guerre, remonte le cours de sa vie marquée par la lutte pour l’indépendance et la part  de sang noir qui l’attache irrémédiablement à la terre mystique de Rhodésie.

Points forts

 - Aucun sentimentalisme; un constat distancié, à la fois puissant, cruel et poétique, des réalités africaines étayées par des chansons et  comptines issues de la tradition orale: l’omniprésence des ancêtres et de la magie pratiquée à base de mixtures infâmes face aux hélicos, aux jeeps et aux fusils d’assaut modernes.

 - Les correspondances entre certains personnages baroques du récit  et les protagonistes historiques:

Le « Très Révérend », fondateur de l'Eglise anglicane indépendante du Manicaland fait écho à Ian Smith qui déclara unilatéralement l’autonomie de la Rhodésie face à la domination britannique en 1965.

Les « garçons turbulents » qui courent les vallons à cheval pour y massacrer inlassablement les serpents sont le reflet de l’armée rhodésienne traquant les combattants rebelles.

L’apartheid est symbolisée par le père Gordon rejetant son quart de sang noir et par sa volonté absolue de s’assurer une lignée blanche (« c’était de famille, j’imagine, ce désir pour des femmes achromatiques » p.164), ambition vaincue symboliquement par la naissance d’une petite-fille, issue de son fils presque blanc et de Madota, la Shona  silencieuse, qui n’aura de son père que ses cheveux roux. 

- La dimension mythique du sang : le jeune Gordon assume totalement son patrimoine africain lorsqu’il retourne dans son village ancestral pour y subir l’initiation (la circoncision) qui, dans un flot de sang, le fait passer de l’état d’enfant à celui d’homme brut, d’adulte. Il découvre alors qu’il possède, comme son arrière-grand-mère noire, le don de « lire le sang ». Ainsi, la véritable essence d’un homme réside-t-elle, non dans la couleur de sa peau mais dans son sang.

Quelques réserves

La chronologie inversée. Le fait de raconter l’histoire du sergent Gordon à rebours en commençant par sa mort pour remonter jusqu’à sa naissance est extrêmement gênante pour le lecteur ; il faut pratiquement reprendre tout le livre à partir de la fin pour apprécier la complexité des personnages et comprendre leur place dans la vie du héros.

Encore un mot...

Quelle que soit la faiblesse mentionnée plus haut, l'absence totale de manichéisme donne à ce roman barbare et poétique une dimension inégalée.

Une phrase

« Granma pensait qu’il pouvait sauver  les gens du péché en commettant des crimes à leur place ».

Page 85 

L'auteur

D’origines britannique et xhosa, né et élevé dans la Rhodésie devenue Zimbabwe, George Makana Clark vit aujourd’hui aux Etats Unis où il enseigne la littérature.

Cet ouvrage intitulé en anglais « the raw man » (l’homme brut) est son premier roman.

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