Les deux pigeons
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Thème
Comme les deux pigeons de la fable de La Fontaine, Théodore et Dorothée, aux prénoms-anagrammes, s’aiment d’amour tendre. Ils s’installent ensemble à Paris et les préoccupations matérielles envahissent leur vie : meubler l’appartement, se ravitailler, se nourrir selon les exigences imposées par le « bio »… Elle tente de terminer une thèse sur Guy Mollet, pendant que lui enchaîne les CDD dans le Web. Déçus par les modèles peu enthousiasmants qui les entourent, ils n’envisagent ni de se marier, ni de devenir parents ; pour rompre la routine molle et vide de leur existence, ils se précipitent avec candeur sur de nouveaux loisirs, comme le tango, le ping-pong, l’adoption d’un chat, l’écriture d’un roman, mais toutes ces tentatives échouent les unes après les autres. La seule passion, qu’ils partagent, c’est de regarder avec une complicité évidente des séries télévisées !
Points forts
• Ce roman à l’allure de documentaire nous présente de manière efficace et pertinente la physiologie d’un couple moderne, de 2005 à 2015, grâce à une construction en 11 chapitres.
• Alexandre Postel se livre à une satire mordante de sa propre génération, en portant un regard acéré sur ce couple de jeunes « vautrés » devant des séries télévisées, qui, seules, nourrissent leur imaginaire. La platitude de leur existence les inquiète quelque peu, mais comme aucun rôle ne les attend, ils s’engluent «dans une durée qui n’a(vait) ni forme, ni but. »
• Des pages savoureuses sur la comparaison entre la vie conjugale et la vie politique, sur les conseils pour écrire un livre, sur Modiano ou Houellebecq, les meilleures concernant bien sûr la répétition rituelle des téléchargements regardés dans leur lit !
• Des personnages d’une vérité criante, confrontés à une série de situations comiques, décrites avec une acuité percutante.
• Un style impeccable, une plume élégante, un vrai sens du détail !
Quelques réserves
Un roman déconcertant, dans lequel il ne se passe presque rien … Pas d’intrigue, pas d’aventures, pas de péripéties … Le lecteur suit les engouements et les déboires successifs, voire les errements des protagonistes, auxquels il ne désire pas s’attacher.
Encore un mot...
J’ai savouré le regard ironique et moqueur de ce jeune auteur talentueux sur ces deux « pigeons », individualistes et velléitaires, qui cherchent leur voie, en zigzaguant à travers les tendances du moment, sans jamais construire un vrai projet, pour donner du sens à leur vie. Le marasme, dans lequel ils s’enlisent, s’explique par leurs interrogations inutiles, leurs atermoiements et aussi leur normalité. Il manque à leur univers rétréci, de la grandeur, de la profondeur et de la beauté !
Une phrase
« S’interroger sur le sens de leur vie commune, c’était courir le risque de la tristesse. Ne pas le faire, c’était courir le risque de rater sa vie, de se détourner de soi-même, de découvrir, au bout du chemin, que la vie à deux n’était en vérité qu’une demi-vie. » p.200
L'auteur
Né en 1982, Alexandre Postel est l’auteur d’Un homme effacé, Goncourt du premier roman 2013, et de L’ascendant, prix du Deuxième roman 2016.
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