Les derniers jours du parti socialiste
Une brillante satire, polémique et tourmentée, sur notre vie politique
De
Aurélien Bellanger
Seuil
Parution le 19 août 2024
480 pages
23 euros
Parution le 19 août 2024
480 pages
23 euros
Notre recommandation
3/5
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Thème
- Le titre du dernier livre d’Aurélien Bellanger pourrait très bien être celui d’un article dont la presse raffole en essayant de capter puis d’expliquer les profondes transformations et les modifications du paysage sociétal et politique. L’histoire qu’il raconte est complexe à résumer tant il évolue, dans ce récit foisonnant, aux confins du politique, de la philosophie, de la sociologie et probablement de l’Histoire.
- Les derniers jours du parti socialiste nous raconte comment ce parti qui, il y a peu de temps encore exerçait le pouvoir - jusqu’à la fin du quinquennat de François Hollande, avant de quasiment disparaître lorsque son candidat Bruno Hamon ne récolte que 6,36% des voix à la présidentielle de 2017 - et en ressorte profondément divisé en 2024.
- Le récit est une plongée assez vertigineuse, compte tenu de l’ambition et des moyens mis en œuvre par Aurélien Bellanger, dans cette descente aux enfers. De choix douteux et destins personnels contrariés en dérives idéologiques, c’est à travers la vie du parti socialiste que s’écrit une partie de la vie politique de ces dernières décennies.
- Mêlant personnage réels et de fiction - dans un roman à clé aussi passionnant que frustrant si on cherche qui se cache derrière certains personnages - Les derniers jours du parti socialiste est une farce, entre réalité et fiction, qui décrit ce processus inexorable de la destruction d’un parti par ceux qui en ont la charge, mais aussi d’une nouvelle façon de faire de la politique, totalement cynique et décomplexée, qui voit l’intérêt général s’effacer devant la somme des intérêts particuliers.
Points forts
- Aurélien Bellanger poursuit sa satire de la société avec une œuvre dont la puissance et l’érudition n’ont rien à envier à ses précédents ouvrages. Les derniers jours du parti socialiste se situe entre le roman et le récit dans ce nouveau terrain de jeu prisé des écrivains qui leur permet de raconter une histoire qui décrit la trajectoire de destins individuels et l’évolution de la société.
- On peut s’étrangler, de rire ou de dépit, tant la charge est corrosive et se place à l’intersection de multiples thématiques : identité, woke, islamophobie, me too, laïcité ...
Aurélien Bellanger dit construire son livre comme une Comédie humaine des temps modernes : il interroge le rapport entre la pensée, la politique et le réel à travers ses personnages, réels ou fictifs, et leur évolution durant ces quarante dernières années. - Comment classer Aurélien Bellanger ? A la fois romancier, éditorialiste, essayiste, chroniqueur ? Une sorte de Michel Houellebecq – dont il fût fan à ses débuts – capable de décrypter la société en racontant des histoires. Tous ses livres ont cette ambition et on ne peut qu’admirer sa démarche holistique.
Quelques réserves
- N’est pas Balzac qui veut et le livre manque d’épaisseur romanesque ; c’est plutôt une chronique historique sur l’évolution du parti socialiste doublé d’un essai politique sur les causes de sa prétendue disparition – qui reste à confirmer, on a vu des revirements plus spectaculaires comme nous l’enseigne son histoire récente, dans un sens comme dans l’autre – et la crise de l’ensemble des partis, de la politique et de la France.
- Les derniers jours du parti socialiste est un ouvrage brillant et érudit, parfois trop pour le lecteur qui pourra peiner à le suivre et le comprendre tout au long de ces 480 pages. Il faut en effet une solide culture politique et philosophique pour apprécier pleinement la démonstration.
Encore un mot...
- Le titre porte en lui un potentiel de polémique. La fiction est-elle censée rendre des comptes à la réalité ? Evidemment les personnages qui existent sous des noms fictifs, on pense par exemple à Raphaël Enthoven grimé en « Taillevent » qui ne s’y retrouve pas et dénonce les inexactitudes et les incohérences du récit.
On parlera donc d’« histoire contrefactuelle » reposant sur le principe de la satire, la dérision, voire de la farce qui autorise l’auteur à toutes les libertés, notamment à s’exonérer des événements tels qu’ils se sont réellement déroulés.
Une phrase
- « Former des polémiques, les alimenter, utiliser tout ce qu’on pouvait pour les structurer, tribunes et faits divers, alimenter tout autour de la froide politique politicienne le grand feu des passions éternelles – qu’on pouvait appeler, faute de mieux, patriotisme –, voilà quelle était la mission du véritable intellectuel ».
- « L’un des objets principaux du nouveau magazine, porté spécialement par Taillevent, consistait à documenter ce que Frayère, avant lui, avait appelé « les dérives de la gauche », devenue, contre toute son histoire, le camp de la censure et de l’ordre moral – une gauche aveuglée par le nouveau catéchisme du genre et de la race. »
L'auteur
- Aurélien Bellanger a 39 ans. Il est l’auteur d’une thèse de philosophie, L’identification des individus dans les mondes possibles et titulaire d’une chronique sur France Culture, dont une sélection est parue en 2019 sous le titre La France.
- Outre quatre romans ambitieux et salués par la critique, il a également écrit un essai, Michel Houellebecq, écrivain romantique et une pièce de théâtre, Eurodance.
- Culture-Tops a déjà chroniqué :
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