Les cosmonautes ne font que passer
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Thème
1989, un soir de novembre, le Mur de Berlin est tombé; dans la foule, Mstislav Rostropovitch joue du violoncelle. Ce jour-là, le communisme meurt. Le lendemain en Bulgarie, pays membre du bloc est-européen à l’étoile rouge, une gamine de 7 ans découvre le sapin planté quelque temps plus tôt par Youri Gagarine, le Soviétique, premier homme à être allé dans l’espace. Dans la cour de l’école, il y a aussi une fresque mosaïque avec, en vedette, le cosmonaute jeune et beau. La gamine prend alors une grande décision : elle sera cosmonaute comme Youri… mais vite, dans cette Bulgarie où l’étoile n’est plus rouge, elle découvre que cosmonaute, c’est réservé aux garçons -son cousin Andreï, par exemple-, et l’étoile de la vie qu’on lui assure bonne est sacrément parsemée d’embûches, dont l’une des plus importantes se prénomme Constantza, sa voisine, amie et « concurrente principale dans la vie ».
Au fil des pages, avec cette gamine dont on ne connaîtra pas le prénom, on croise Mamie, et aussi la mère qui, en secret au temps du communisme, attendait la bonne étoile, et encore le grand-père qui a dédié sa vie au communisme et qui demeure un « vrai communiste »… Il y a aussi le chien Joki, indestructible bâtard que la gamine veut convaincre de la suivre dans l’espace, ou encore Constantza la belle amie qui suivra sa mère en Grèce. Ne pas oublier le cousin Andreï, opportuniste de première, baltringue d’opérette… Et cette gamine qui cherche encore et encore la bonne étoile dans cette Bulgarie que l’on rêvait, un temps, de quitter pour devenir Sylvie Vartan. A 14 ans, la gamine a vue les cosmonautes passer. Alors, elle se met en tête d’être grunge et veut rejoindre Kurt Cobain, l’Américain disparu en 1994 à 27 ans. Il était le chanteur du groupe Nirvana. Encore et toujours une histoire spéciale. Spatiale !
Points forts
-Le ton tout autant elliptique que malicieux, mêlé à la naïveté de la jeune héroïne.
-Le décodage cinglant d’un univers politique qui décidait de la vie des individus, rêvait et pensait pour eux....
-L’art et la manière de l’auteure de mener une comédie qui conjugue les bouleversements de l’enfance et de la Grande Histoire européenne, et qui flotte allègrement entre « Zazie dans le métro » de Raymond Queneau et « Good Bye, Lenin ! », le film de Wolfgang Becker.
-La maîtrise stylistique, rare dans un premier roman où l’évasion dans l’imaginaire fait bon ménage avec la malice et l’humour.
Quelques réserves
La clause de style avec l’utilisation de la deuxième personne du singulier peut, pour certains, se révéler dérangeante, voire agaçante… parce que relevant de manière trop évidente du procédé littéraire.
Encore un mot...
Pour sa première apparition dans le monde des livres, Elitza Gueorguieva signe un premier roman enthousiasmant, parfaitement maîtrisé et furieusement inventif. Une belle invitation au décollage immédiat, invitation à laquelle on répond sans la moindre hésitation !
Une phrase
« Quelques mois plus tard, c’est officiel : ce n’est pas juste un mur qui est tombé, c’est tout le communisme, phrase qu’on te répète sans cesse comme si tu en doutais, ou comme si subitement tu ne comprenais plus la langue bulgare, ou comme le vinyle rayé du Petit Chaperon rouge, qui s’était coincé sur la suggestion : VA TE REGARDER DANS LE LAC, traumatisme ancien venant de refaire surface. Tu ne peux plus mettre un pied dehors, pour promener ton indestructible bâtard Joki, ou pour monter sur la fusée spatiale derrière l’immeuble en espérant que cette fois elle s’envolera enfin, sans que cela recommence : tout le monde répète la phrase, la camarade voisine du quatrième étage, la camarade vendeuse de l’épicerie Soleil et ton grand-père vrai communiste, plongé soudain dans une dépression profonde ».
L'auteur
Née en 1982 à Sofia (Bulgarie), Elitza Gueorguieva vit à Paris depuis plus de quinze ans. Cinéaste, performeuse et auteure de textes, elle a d’abord étudié à la Femis (école nationale supérieure des métiers de l'image et du son) puis travaillé comme assistante de réalisation et cadreuse. Elle a réalisé deux documentaires, dont « Chaque mur est une porte ». Diplômée d’un Master de Création Littéraire à l’Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis, elle pratique l’écriture littéraire sous la conduite des romancières Olivia Rosenthal et Maylis de Kerangal. Pour son premier roman, « Les cosmonautes ne font que passer » (un des événements de la rentrée littéraire), elle a reçu le Prix André Dubreuil du Premier Roman décerné par la Société des Gens de Lettres. « Je souhaitais raconter à la fois les événements politiques en Bulgarie à travers le regard d’une petite fille qui grandit, mettre en parallèle le récit d’une société qui s’émancipe d’une dictature et celui d’une fille qui s’émancipe. L’entrelacement entre l’intime et le politique m’intéressait », explique Elitza Gueorguieva.
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