Les années manquantes
Paru en janvier 2022
112 pages
12, 50 €
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Thème
Le retour douloureux à l’enfance et à l’adolescence pour constater encore et encore l’impossibilité de changer le cours des choses qui, entre tendresse et souffrance, nous construisent, avec pour toile de fond, l’indépendance de l’Algérie et les conséquences dévastatrices sur plusieurs générations d’anciens colons.
Points forts
- Un récit à la première personne fait de longues phases, juxtaposant descriptions des êtres, des sentiments, des lieux, qui, bribe par bribe, révèle le canevas du texte où l’auteur va au bout de lui-même. « Maintenant j’avais épuisé ma propre histoire,… ».
- Des personnages forts dont Joséphine, la grand -mère maternelle et son fils Noël ou Sylvestre, le grand-père paternel et sa fille Juliette, tous ancrés dans leurs territoires respectifs : Perpignan et l’influence catalane pour l’une, la Corse, montagnes et maquis pour l’autre avec pour chacun les racines algériennes.
- L’évocation pudique des sentiments et ressentiments des rapatriés algériens, oscillant entre humiliation et humilité, désir d’intégration et de pardon dans la région du Roussillon « pour qu’ils s’acclimatent derrière les murs et cessent d’avoir pour unique horizon le pays qu’ils avaient quitté ».
Quelques réserves
Les nombreux personnages autour du protagoniste, dans un temps morcelé, nous égarent parfois.
Encore un mot...
Réminiscences, évocation de figures fantomatiques se mêlent pour montrer les failles que creusent les pertes originelles. Le talent de l’auteur est de les utiliser comme matériaux pour, tout en évoquant de nouveau son histoire familiale, nous offrir un récit romanesque original et émouvant.
Une phrase
“Je n’avais rien acquis depuis le soir où j’étais parti de Perpignan avec la cantine et les draps brodés ; la vie avait passé, je n’avais rien anticipé, je n’avais pas fait attention, je n’avais rien à moi ; tous mes livres tenaient dans un unique sac de papier qu’on pouvait abandonner dans un hall sans qu’il soit considéré comme un colis dangereux. J’étais seul, sans croyance ni compagnon à rejoindre ; il n’y avait pas de maison, de terre de retour, de place pour revenir mourir, ni ici ni de l’autre côté, au cimetière corse que j’aimais tant pourtant, ce carré familial, déjà complet, comme secret dans la montagne en plein maquis sous le grand chêne. Le train allait partir ; la gare semblait déserte ; il n’y avait plus aucun écho de roulement de valises ou de chariots ; mais ils étaient là-bas, réunis dans la nuit ; c’étaient les miens ; ils ne m’avaient pas oublié ; ils venaient me dire au revoir, me rappeler que je n’étais pas aussi seul que je le croyais, avançaient sur le quai, embarrassés, ne sachant s’ils avaient le droit de monter ou non, essayant de retrouver l’origine de leur erreur dans leur trajet, mais ils n’en avaient pas fait -c’était la vie ; oscillant avec cette « case en moins »qu’on avait en commun, ce petit groupe de déracinés, tendres et cinglés, ces romanichels d’un autre temps qui ne jugeaient jamais, habitués à ne rien attendre, à ne rien demander, à ne pas s’installer, à ne pas se soucier d’être sauvés et qui, sans le savoir, m’avaient tout donné.” (pages 106/107)
L'auteur
Jean-Noël Pancrazi est un écrivain français, né en 1949 en Algérie où il passera les dix premières années de sa vie. Après l’indépendance, ses parents retournent en Algérie, confiant leur fils à sa grand-mère maternelle qui vit dans les faubourgs de Perpignan. Jean-Noël Pancrazi terminera ses études à Paris et se dirigera vers l’enseignement de la littérature. Il publie son premier roman en 1979, La mémoire brûlée (Le Seuil) ; suivront près de vingt ouvrages parmi lesquels, tous chez Gallimard, Les quartiers d’hiver, prix Médicis 1990; Madame Arnoul, prix du Livre Inter 1995 ; Tout est passé si vite, grand prix du roman de l’Académie française 2003. Les souvenirs familiaux, l’évocation d’une Algérie perdue parcourent son œuvre et ce dernier roman, Les années manquantes, les revisite. Pour l’ensemble de ses écrits, Jean- Noël Pancrazi a reçu le grand prix de la Société des gens de lettres ; il est membre du jury du prix Renaudot.
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