Le vingtième siècle

Un roman kaléidoscopique qui enchante ou déconcerte

Aurélien Bellanger

Gallimard
Parution le 5 janvier 2023
430 pages
23 euros

Notre recommandation

3/5

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Thème

Le vingtième siècle est construit autour de la découverte de Walter Benjamin. Philosophe, historien de l’art, critique littéraire, critique d’art, traducteur … Il est l'une des plus brillantes intelligences du siècle dernier mais n’a publié que deux livres de son vivant. Heureusement, sa pensée fut redécouverte à partir des années 50 avec la publication de sa correspondance et de nombreux textes inédits.
Le propos de l’auteur n’est pas de se faire l’exégète de sa pensée mais plutôt d’en faire la pierre angulaire d'une construction romanesque comme l’auteur les aime tant. Il bâtit un récit où s'entrechoquent, outre la pensée du philosophe, une histoire follement romanesque autour de trois chercheurs pieds nickelés qui se lancent à la poursuite de son dernier manuscrit.

Points forts

Ceux qui, comme moi, suivent la carrière d’Aurélien Bellanger et guettent la sortie de chaque opus comme un rendez-vous avec délectation, ne seront pas surpris par Le vingtième siècle, qui offre une construction à la fois labyrinthique et virtuose sur les traces de ce personnage, lui-même éminemment romanesque.
L’intelligence de l’auteur crépite à chaque page pour converger vers un final inattendu : un projet ambitieux et original, qui mêle folle érudition et roman d’aventure, brassant de nombreux thèmes. L’échafaudage intellectuel est, comme toujours chez Bellanger, audacieux mais ici plus complexe que d’habitude, comme si Walter Benjamin avait inspiré cette construction brillante mais parfois trop alambiquée pour être bien suivie.
Le récit des trois chercheurs, qui correspondent par tous les moyens mis à leur disposition, suffirait à lui seul à faire un bon libre. On se raccroche à cette histoire plus classique, parfois comme à une bouée de sauvetage, tout heureux de retrouver un fil narratif qu’on a souvent l’impression de perdre.

Quelques réserves

Elles tiennent dans la complexité que l’ambition de l’auteur insuffle à son livre, mi roman, mi essai centré sur son personnage principal, Walter Benjamin. C’est certes virtuose mais combien de lecteurs abandonnés en cours de route par une intelligence peut-être trop vive, trop érudite et finalement trop ambitieuse pour le lecteur moyen.
A trop fragmenter son récit - comme l’œuvre de Benjamin - qui semble passer d’une spécialité à l’autre - Aurélien Bellanger s’éloigne de son fil conducteur, ou bien tire-t-il trop de fils à la fois pour échafauder un dispositif narratif auquel se raccrocher.
A trop vouloir honorer ce personnage complexe, digne représentant de l’intellectuel de la Mitteleuropa du début du siècle dernier, Le vingtième siècle dynamise tous les genres littéraires avec le risque d’éparpiller son lectorat.

Encore un mot...

Voilà un livre qui ne suscitera pas la tiédeur. Il enchantera les “pour” fascinés par ce récit qui explose les codes du genre romanesque. Il décevra les “contre” qui se seront perdus dans les fragments d’une histoire qui part dans tous les sens.
J’ai tenté de retranscrire leurs arguments de façon à ce que chacun puisse se faire une idée en fonction de ce qu’il attend de la littérature.

Une phrase

“J’ai reçu un certain Walter Benjamin, intellectuel juif allemand, prétendument francophone, traducteur en tout cas avéré de quelques unes de mes nouvelles, pendant une croisière en Mer du Nord : le juif errant se serait-il découvert avec elle des instincts de Viking ? Personnage très cultivé, bon connaisseur de la littérature française”. page 159
“ L'assaut a été rapide. Ils sont sortis d'un coup de la forêt en poussant un nuage lacrymogène devant eux et ils ont avancé vers nous avec des tirs tendus de grenades défensives. Un hélicoptère éclairait la scène - une scène de cinéma, mauvaise. Notre riposte a été dérisoire : des jets de pierres, quelques cocktails Molotov allumés d’une main tremblante et fracassés en vain sur la tôle des bulldozers qui sont apparus à leur tour”. page 319

L'auteur

Aurélien Bellanger a 39 ans. Il est l’auteur d’une thèse de philosophie, L’identification des individus dans les mondes possibles et titulaire d’une chronique sur France Culture, dont une sélection est parue en 2019 sous le titre La France.
Outre quatre romans ambitieux et salués par la critique, il a également écrit un essai, Michel Houellebecq, écrivain romantique et une pièce de théâtre, Eurodance.
Le vingtième siècle est son roman le plus ambitieux. On attend le prochain avec impatience pour savoir quel sujet ce diable d’écrivain nous sortira de son imagination fertile et endiablée.

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Commentaires

J'ai beaucoup aimé ce livre. Intellectuel français, intelligent, cultivé. Il manque ce sui manquerait à un grand film : une base populaire. La littérature, à moins de viser une niche anthropologiquement autocentrée comme le théâtre, pour être viable doit pouvoir atteindre n'importe quel lecteur. Ce que parvient à faire Houellebecque. Sinon, ça fait un peu thèse... Où et comment se reconnaître dans ce qui arrive à Benjamin ou les 3 personnages du roman. A moins "d'en être" le lecteur suit de l'extérieur. Bref, il manque un souffle épique ou des expériences que des personnes communes auraient pu vivre....