Le sentiment des crépuscules
Parution le 22 août 2024
351 pages
19 €
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Thème
S'inspirant d'une rencontre réelle en 1938 à Londres entre Sigmund Freud, Stefan Zweig et, plus inouï, Salvatore Dali, Clémence Boulouque imagine leur conversation.
Participent aussi à la rencontre, Anna Freud, Gala et Edward James, le mécène de Dali.
Pour donner à son imagination le plus de consistance possible, l'auteure se réfère aux correspondances échangées à l'époque entre les protagonistes et intercale de nombreuses digressions, sous forme de pensées intérieures des personnages, qui évoquent tout à la fois l'histoire de la psychanalyse et celle du surréalisme.
Points forts
C'est une idée passionnante que de tenter de faire revivre de véritables monstres de la littérature, de la médecine et de la peinture.
Elle séduit d'autant plus qu'elle confronte la peinture de Dali au summum de la psychanalyse dont elle apparaît comme l'illustration spectaculaire.
Cela sous l'arbitrage de Stefan Zweig dont les livres et la vie sont aussi imprégnés de l'inconscient.
Clémence Boulouque plante bien le décor de cette rencontre ; celui de Londres en 1938, partagée entre les sympathies nazies de son aristocratie et l'accueil un peu distant des réfugiés juifs.
Elle donne à Anna Freud un rôle d'animateur dévoué qui la rend sympathique.
Freud lui-même, malade et quelque peu absent, apparaît d'une manière touchante dans ce refuge contraint où Vienne et la psychanalyse n'ont plus de place.
Le livre ne montre pas beaucoup de sympathie pour Zweig dépeint comme auteur à succès faciles et un peu geignard.
Quant à Dali il aurait aimé (ADO....RRRRÉÉ !!!) que l'on dise qu'il " crève l'écran " mais on verra qu'il n'en est rien.
Quelques réserves
Dali c'est en effet un peu le dindon de cette farce : on ne s'arrête qu'à son sens de l'exagération et de la mise en scène tel qu'on l'a connu par media interposés ; on doute cependant qu'il ait eu cette attitude face à Freud qu'il vénérait comme l'inventeur de la psychanalyse et de l'interprétation des rêves.
Certes ce dernier l'a vu comme un " fanatique espagnol " mais il l'a considéré aussi comme un génie l'amenant à reconsidérer sa vision très négative des surréalistes.Si c'est " le monde d'hier " qui inspire l'auteure pour le personnage de Zweig, c'est n'y voir que des jérémiades à la place d'une nostalgie destructrice qui le conduira bientôt à sa fin.
Dans l'ensemble cette reconstitution n'échappe pas à la caricature à l'exception de Freud et de sa fille qui émeuvent par leur vérité un peu tragique.
Enfin on pardonne difficilement quelques expressions d'aujourd'hui qui ajoutent l'anachronisme à leur inanité.
Encore un mot...
Assistez à la rencontre improbable entre Freud, Dali et Zweig à Londres en 1938 mais n'oubliez pas qu'il s'agit d'une fiction avec ses imperfections et ses a priori.
Une phrase
“ Le groupe parvient à l’encadrure de la porte d’un petit salon dont Freud émerge pour les saluer.
Le souffle suspendu, Dalí attend un signe d’Anna avant de se diriger vers le vieil homme qui s’appuie au dos de son fauteuil. Puis il fend l’espace et lui serre la main en inclinant la tête :
« Un honneur, Monsieur le Professeur.
- Enchanté, Monsieur Dalí. J’ai beaucoup entendu parler de vous », le salue Freud en français.
Dalí lève le regard vers Zweig, qui ne lui prête aucune attention, l’esprit perdu vers l’homme dont la barbe blanche dissimule une bouche d’ombre. Il attendait autant qu’il redoutait cette visite." P. 60
L'auteur
Clémence Boulouque est la fille du magistrat anti-terroriste Gilles Boulouque qui s'est suicidé en 1990 après avoir instruit les terribles attentats de 1986 imputés à l'Iran.
Elle est diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris et de l'Essec. Elle se consacre au journalisme et à l'écriture et a écrit des chroniques littéraires notamment pour le Figaro.
Elle enseigne aussi à l'université de Columbia après avoir obtenu un doctorat en études juives de l'université de New-York.
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