Le Rêve du Pêcheur

Les destinées sur trois générations d’une famille camerounaise : une saga familiale émouvante
De
Hemley Boum
Gallimard
Publié le 11 janvier 2024
349 pages
21,50 Euros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

  • Nous sommes à Campo, petit village camerounais au bord du Golfe de Guinée. Zacharias vit de son activité de pêcheur, une vie heureuse près de sa femme Yalana et de ses deux filles - dont l’une s’appelle Dorothée. Chaque matin, il part dans sa pirogue tandis que Yalana cultive le champ et que les deux filles vont à l’école à la mission catholique. Mais nous sommes dans les années 1960. Des sociétés forestières viennent investir, industrialisent la pêche, en promettant une vie meilleure, des biens inconnus. Yalana est circonspecte devant cette modernisation qui enrichit peut-être les villageois, mais aussi peut les rejeter. Le paysage change, Zacharias aussi. Il a soif de reconnaissance, lui qui n’a pas été à l’école ; il veut le meilleur pour ses filles, les gâter. L’arrivée des chalutiers entraîne leur ruine. Et c’est alors que les drames arrivent.

  • Zachary est un jeune garçon qui vit dans un quartier populaire de Douala. Il ne sait rien de ses ancêtres, de sa famille, n’a pas de village où retourner pendant les vacances comme ses camarades : il vit seul avec sa jeune maman Dorothée, appelée par tous « maman bordelle ». C’est un très bon élève. Puis un jour, alors qu’il a tout juste 18 ans, il part en avion à Paris sans se retourner. Il laisse derrière lui sa mère, ses amis Nella et Achille, et ne doit plus leur donner de nouvelles à la demande de celui qui l’aide. Il se retrouve seul, étudiant en psychologie à Nanterre. Il devient psychologue clinicien pour sauver des enfants. Zach, ainsi appelé en France, veut s’intégrer à cette nouvelle vie, malgré le racisme ambiant et sa solitude. Il rencontre Julienne, médecin psychiatre : ils s’aiment, se marient, ont deux filles, des jumelles. Mais le cas d’un de ses jeunes patients lui fait prendre conscience de son propre cas, de son « oubli » du passé, et de ses choix. Il retourne alors au Cameroun …

Points forts

  • Une merveilleuse et touchante description des personnages, hommes ou femmes.
  • Une écriture splendide, poétique, généreuse.
  • Un subtil mélange du passé et du présent entre croyances locales et modernité, entre la France et l’Afrique.
  • La quiétude de la vie du village, du pêcheur et les bouleversements avec l’arrivée de la société de consommation.
  • Les histoires savamment enchevêtrées ; Zacharias et Zachary ne se connaissent pas et ils portent pourtant le même prénom.
  • L’arrivée du jeune Zach à Paris : comment faire pour se conformer à son nouvel environnement, choix de vêtements hasardeux ! Une description minutieuse de tous les obstacles, les discriminations subies, l’approche alors qu’il est étudiant près d’autres personnes « racisées ».
  • La structure du récit à deux voix : le « je » de Zach et la « troisième personne » des récits de famille. 
  • Ce double déracinement : les habitants du village arrachés à leur culture ancestrale par la modernité, et Zach envoyé loin de sa mère et de ses amis.

Quelques réserves

Je n’ai pas de réserves pour cette magnifique histoire, celle d’un nom. 

Encore un mot...

Un livre remarquable sur la transmission, l’exil qui peut alors altérer les émotions et les liens.

L’auteure, à travers ces trois générations brillamment entrelacées, nous interpelle sur la construction de l’identité d’où l’importance de la transmission et de la filiation, ce socle universel.

Une phrase

  • « Si ce que son père éprouvait pour l’océan ressemblait à ce que lui-même ressentait pour sa petite tribu, il comprenait que l’on sorte sa pirogue alors que la tempête gronde pour rejoindre sa propre famille » p. 17

  • « Avoir été si heureux, si pleinement à sa place et avoir eu l’arrogance de prendre cela pour acquis. Ce serait la plus grande souffrance de sa vie ». p . 65

  • «  Couper tous les ponts, larguer les amarres et ne plus pouvoir revenir en arrière. Nous ne devrions pas avoir à avancer sans repères, sans protection, nous délester de tout ce que nous avons été, s’arracher à soi en espérant germer dans une nouvelle terre. Ceux qui ont ce privilège voyagent l’esprit léger. Ils partent de leur plein gré, sachant qu’ils peuvent revenir quand bon leur semble. Nos périples à nous ne prévoient aucun retour, nous ne sommes pas des voyageurs mais des exilés. L’exil est un bannissement, une mutilation, il y a quelque chose de profondément inhumain…les terres lointaines ne tiennent pas leurs promesses. »  p. 243

L'auteur

Hemley Boum est une romancière camerounaise de 50 ans. Elle a fait des études à Yaoundé puis à Lille.  Elle a reçu de nombreux prix littéraires pour son roman Les jours viennent et passent (Gallimard, 2019). Grand prix littéraire d’Afrique noire pour Les Maquisards (La Cheminante, 2015). Le Rêve du Pêcheur est son cinquième roman.

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