Le Président se tait

Une galerie de personnages savoureux, une comédie sociale à l’époque des « diamants de Bokassa ».
De
Pauline Dreyfus
Grasset
Parution en mai 2022
247 pages
20 ,50 Euros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Octobre 1979 – Tout commence au Palais de L’Elysée, le Président parle avec le Directeur du Monde sans savoir « la bombe » qui va éclater le lendemain. Le Canard Enchaîné accuse le Président d'avoir reçu des diamants de l’Empereur (d’opérette !) Bokassa. Le Président ne dément pas ces rumeurs… et va se taire pendant 49 jours.

La rumeur enfle, partisans et adversaires du Président l’entretiennent. L’auteure nous entraîne à suivre 12  personnages : l’immigrée portugaise, femme de ménage embauchée ce soir-là comme extra et qui admire la prestance du Président ; l’Agent des Renseignements Généraux ; la militante féministe ; la journaliste prête à tout pour se faire (re) connaître en cherchant le scoop près de 2 dissidents russes ; le chef du protocole de l’Elysée près de la retraite ; un « nightclubber » impénitent ; un couple,  lui désabusé, elle maîtresse de maison mondaine ; un châtelain ruiné ; une petite fille de 10 ans ; une ancienne conquête…

A travers le point de vue de ces personnages, nous sommes plongés dans cette France des années 70, une époque où une telle affaire pouvait occuper longuement un  pays entier.

Points forts

- La construction du roman, tel un choral : les personnages se suivent, se passant en quelque sorte un relais, la dernière phrase de chaque chapitre se poursuivant dans le chapitre suivant…

- La restitution de l’ambiance de ces années 70 pendant lesquels le président voulait « décrisper » la société ; ainsi la maîtresse de maison qui tient à organiser son dîner avec ceux que l’on s’arrache « Les 50 qui sont l’avenir de la France » selon le Nouvel Obs !

- Chaque personnage est finement analysé, à la limite de la caricature. Nous suivons  en souriant  ce « charme discret de la bourgeoisie et de ses mœurs » ! 

- Un rappel , sans jamais le nommer sinon le P, de ce président élu pour sa modernité et son esprit de réformes. L’interview à la fin, de ce même  président qui « parle sans rien dire » au-dessus de ces rumeurs.

Quelques réserves

Je n’en ai pas tant j’ai trouvé ce livre drôle et bien vu.

Encore un mot...

Dans cette comédie autour de la France des années 70, Pauline Dreyfus nous livre donc une superbe analyse de personnages sur des faits réels, devenus un peu des non-faits !  Le style est plein de rythme, ironique, drôle, une bouffée de fraîcheur en cette rentrée littéraire souvent « noire ».

Avec tous ces personnages qui se suivent, se succèdent, comme dans une ronde, c’est toute l’émergence d’une nouvelle société qui pointe son nez. Il faut communiquer, parler… L’auteure met en avant le poids des mots à une époque où les médias, les réseaux sociaux n’avaient pas leur place actuelle.

Une écriture subtile, moqueuse autour d’un fait d'État !!! Un délicieux moment de lecture .

Une phrase

- « L’inconvénient du jour d’avant, celui où pour quelques heures encore l’air est léger, les esprits optimistes, la vie insouciante, celui dont on est certain qu’il sera suivi d’un autre tout aussi glorieux et tranquille, c’est que personne ne sait le reconnaître … p.13

- « Ce n’étaient pas des journalistes américains qui allaient lui apprendre quoi que ce soit. Au reste, leur présence ne le surprenait pas outre mesure. Un général orgueilleux avait autrefois snobé l’amitié de leur pays : ils n’auraient raté pour rien au monde cette occasion de chatouiller son successeur…. »p.37

- « Il se tait ? Eh bien laissez-moi vous dire une chose : il a bien raison. Je viens d’un pays où moins on parle, mieux on se porte. Où n’importe quelle phrase peut être interprétée, déformée et vous conduire dans un camp de travail….. Il y a d’ailleurs chez nous un proverbe qui dit “Ma langue est mon ennemie”  ».  p. 82

- «  Ce qui vous élève un jour vous accable le jour suivant. La vie, c’est un miroir. La télévision peut faire gagner une élection, elle peut aussi la faire perdre… Ceux qui y parlent n’ont aucune idée de l’impression qu’ils produisent sur les gens qui les regardent. Le contact humain d’autrefois, c’était plus sûr ». p. 246

L'auteur

Pauline Dreyfus est née en novembre 1969.  Auteure de plusieurs romans dont Immortel, enfin (Grasset, 2012 ) Prix des Deux Magots 2013, Paul Morand (Gallimard, 2020) Prix Goncourt de la Biographie et prix de la biographie de l’Académie Française 2021.

Commentaires

Pierre Four
mar 26/03/2024 - 21:45

L’idée est traitée de façon extrêmement originale. Ce livre est un bonheur!

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