Le Portrait de mariage

Une superbe biographie romancée de Lucrèce de Médicis (1545-1561) devenue, pour son malheur, duchesse de Ferrare

Maggie O’Farrell

Belfond
Traductrice Sarah Tardy
Parution le 24 août 2023
410 pages
23.50 €

Notre recommandation

5/5

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Thème

Lucrèce de Médicis, 13 ans, fille de Cosme 1er grand-duc de Toscane, n’a jamais quitté la nurserie du palais de Florence où elle est née avant son fastueux mariage avec Alfonso II d’Este, duc de Ferrare, qui se comporte en mari attentionné jusqu’à ce que sa toute jeune épouse se rende compte que « cet homme possède bien des visages », dont certains sont particulièrement inquiétants. En fait, ce qu’il attend d’elle est uniquement une descendance car, sans héritier, Ferrare échappera à la Maison d’Este. Si elle n’enfante pas, à quoi bon la garder ?

Points forts

Lucrèce de Médicis (1545–1561) est un personnage historique mais son histoire n’est pas vraiment celle de l’héroïne de ce roman : du palais Vecchio à celui de Ferrare, en passant par la forteresse de Bondeno et la villa Delizia, Lucrèce doit fournir au lecteur l’incarnation romanesque de nombreuses gamines de son rang à l’époque de la Renaissance italienne.
« J’ai cherché à me servir du peu d’éléments connus sur sa courte vie auxquels j’ai fait quelques entorses, au nom de la fiction » dit Maggie O’Farrell. Le résultat est original qui rend la jeune Lucrèce plausible et la période particulièrement vivante.
Les personnages fouillés, les relations entre les êtres, les décors et les costumes remarquablement décrits (on est épuisé par la lourdeur des robes aux manches énormes), les techniques de peinture, tout sonne juste. On croise Vasari, l’auteur des vies des peintres, au hasard des couloirs du palazzo florentin, ce sont des castrats qui enchantent les dîners de Ferrare et le Tasse est un familier du grand-duc. Quant à la petite Lucrèce, rebelle et soumise à la fois, artiste de talent mais fille obéissante, elle dessine inlassablement et peint des miniatures : la tavola, petite tablette de bois plusieurs fois recouverte de dessins différents, de couches de peintures multiples, semble être le symbole de sa personnalité.
Quelques scènes-phare (la nuit de noces, les directives du médecin, le sacrifice de la chevelure, la course dans les escaliers) donnent force et cohérence à un récit par ailleurs poétique et très évocateur.

Quelques réserves

Il faut noter que le mariage de Lucrèce avec Alfonso d’Este suivi du remariage de celui-ci quelques années après avec Barbara d'Autriche, fille de l'empereur Ferdinand Ier, a inspiré à Robert Browning un monologue dramatique intitulé My Last Duchess (Ma dernière duchesse) à qui Le portrait de mariage doit sans doute beaucoup.

Encore un mot...

Le « portrait de mariage » qui donne son titre à l’ouvrage, présenté comme un tableau du Bastianino (portraitiste effectif d’Alfonso) n’existe pas. En revanche, un ravissant petit portrait de Lucrèce de Médicis par le Bronzino est visible sur le Net et sans doute lui doit-on ce roman.

Une phrase

Lucrèce prépare les ingrédients nécessaires à sa peinture :
“ Elle va devoir piler du safran, de la cochenille, le cœur d’un iris et… quoi encore ? Elle revient à son chevalet sur lequel sont installés le carré vierge et familier de la tavola, ses pinceaux, un pilon posé sur le bord de son mortier et des coquilles d'huîtres remplies d’huile de lin pour absorber les pigments réduits en poudre.” p. 240

L'auteur

Née en 1972 en Irlande du Nord, Maggie O'Farrell a d’abord été journaliste avant d’écrire une dizaine de romans largement acclamés par la critique. Hamnet, publié en 2020, qui établit un lien entre la mort de Hamnet, fils de Shakespeare âgé de onze ans, et l’écriture de la pièce Hamlet a remporté le Women’s Prize for Fiction 3 en 2020.