Le poids des ombres

Apre, excessif, palpitant
De
Marie Laberge
Editions Stock
Notre recommandation
4/5

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Thème

Diane apprend la mort violente de sa mère, en lisant le journal, Une mort qui l’a laissée de côté, une mort silencieuse, en solo. Yseult, la trop belle et trop vivante, a cachée sa mort comme un grand secret, ne laissant que la découverte de son corps dans les eaux glacées du fleuve Saint-Laurent comme annonce de départ. Diane voit alors sa propre vie lui échapper et dériver. Tous ses fantômes soigneusement rangés font surface et, soudain, elle perd pied: toutes ses certitudes s'écroulent et le geste le plus simple éveille les pires angoisses. La mort de sa mère provoque un blocage chez Diane: elle n’est plus capable d’écrire son nom. « Sa main n’avance plus. Sa main n’est plus à elle. Un bloc de granit posé sur le bordereau. Un petit bloc lourd et dur, stoppé au milieu d’une signature. » Plus rien n'a de sens que la recherche frénétique de ces hommes qui ont traversé la vie de sa mère pendant les années où elles ne se parlaient plus. Ces hommes que Diane a haïs jusque dans les bijoux qu'ils offraient à Yseult, pierres précieuses qui balafraient leur départ. 

Voilà tout ce qui reste de sa mère : sept anneaux qui brillent dans le silence de sa mort, sept petits cercles de métal obsédants, sept maillons d'une chaîne interminable qui lentement cisaille le souffle de Diane, l'étrangle et la broie.

Points forts

Le roman de Marie Laberge est noir, il est pesant. C'est une histoire âpre. Les premières pages qui décrivent le cadavre à la morgue ont de quoi vous faire laisser tomber le livre... Mais l'écriture est profonde et les douleurs sont palpables.

Dès les premières lignes, Le Poids des ombres nous impose une lecture quasi compulsive tant est solide l'intrigue, maîtrisé le style de la narration -l'écriture est saccadée, incisive, directe- et cohérente la stature des personnages.

Ce qui fait la force de ce roman, c'est la justesse de ton du dialogue narratrice-personnage; l'action intérieure jaillit comme un torrent dont le débit précipité et la clameur sourde rebondissent de situations en situations, en bousculant les fantômes/ conditionnements de la mémoire.

Entre adoration et détestation, amour et haine, le poids des ombres est un roman excessif ! Pas au sens négatif du terme non… ce sont ces excès cumulés qui en font une histoire extraordinairement palpitante. Le livre à peine commencé, j'ai plongé tête la première et l'ai dévoré sur un weekend (495 pages)
Après cette immersion totale et envoûtante, je dois avouer avoir été triste de quitter les personnages. Les deux femmes sont attachantes… leur emprise sur les gens qui croisent leur chemin va jusqu'à nous atteindre, nous lecteurs, et à nous faire regretter de refermer le livre et de laisser l'une à sa mort, l'autre à sa vie enfin trouvée.

On tente sans cesse de les comprendre, de comprendre la cause de leurs actions, tout en suivant leur évolution confuse, leur belle évolution psychologique. Le roman commence de manière embrouillée, mais l'auteure s'engage, tout au long de l'histoire, à nous éclaircir la vue sur les personnages, les évènements.

Un des aspects intéressants de ce roman est pour moi l’émergence progressive, au cours de la lecture, de la véritable personnalité d’Yseult.

Connue d’abord au travers des souvenirs de sa fille Diane comme une mère dominatrice, castratrice, responsable du mal-être de celle-ci, elle apparait ensuite, au fur et à mesure de l’enquête que mène Diane et des témoignages de ceux et celles qui l’ont côtoyée, comme une femme plus humaine. Enfin, grâce à la lettre-confession finale, on découvre son passé, le secret du couple formé avec le père de Diane et les raisons de son comportement maternel.  Les zones d’ombre s’effacent, l’image de la mère-bourreau disparait pour laisser place à celle d’une mère victime, aimante à sa façon et cherchant à donner à sa fille des armes pour faire face à la vie. Mais c’est seulement en mourant qu’Yseult donnera à Diane les moyens de se construire et je ne suis pas certaine que l’on puisse véritablement guérir de cette enfance-là...

Quelques réserves

Je n’en vois pas, hormis peut être la thèse de la mère dans sa lettre posthume qui défend âprement ses croyances, mais sans donner à sa fille de « droit de réponse ». Chacune a souffert, et chacune à leur manière a taché de panser cette brèche faite d’un silence assourdissant.

Encore un mot...

La force de ce roman, c’est la justesse de ton du dialogue narratrice-personnage ; l’action intérieure jaillit comme un torrent dont le débit précipité et la clameur sourde rebondissent de situations en situations. 

Une phrase

- « Maman… pourquoi je suis si seule sans toi alors que je me passais si bien de toi vivante ? »

- « Tu te débats, petit pou, tu te débats pour ne rien savoir. Si tu pouvais mettre toute cette énergie ou rien que la moitié à vivre dans le réel. »

- "Moi  vivante, tu n'as jamais été douée, pourquoi ça te prendrait à ma mort?"

L'auteur

Marie Laberge est née à Québec (Canada). Elle étudie chez les Jésuites, puis s'initie à la danse. Après des études en journalisme, qu'elle abandonne en 1970, elle se consacre aux activités théâtrales et entre au Conservatoire d'art dramatique de Québec. Elle joue dans différentespièces de théâtre à Québec, avant de faire de la mise en scène et de l'enseignement en art dramatique. En tant que dramaturge, elle a signé vingt pièces, Marie Laberge a également écrit cinq romans, avant de rédiger la trilogie intitulée "Le Goût du bonheur" (Gabrielle, Adélaïde etFlorent).  

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