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Thème
« Le Plus et le Moins », c’est l’inventaire d’une vie, non pas telle qu’on devrait la raconter mais sans souci ni nécessité de chronologie. A l’image même de nos pensées, allant et venant sans cesse, mêlant l’enfance et l’approche de la mort, l’amour manqué et les dialogues perdus. A la barre de son bateau ivre, Erri De Luca se livre sous les bombardements de Belgrade, de Naples, dans le vacarme des usines ou dans le silence de l’île d’Ischia :" j’ai touché l’immense en peu d’espace – écrit-il –, j’étais une chose de la nature exposée à la saison. Je donnais le nom de l’ile à cette liberté…je sentais un centre en moi, une amande fermée, une vertèbre mère qui répondait à l’île."
On le suit, perdu de peur et d’absence d’avenir, résistant à la faim, errant tel un chien sans laisse dans une ville sans odeur ni repère. Quelle foi l’anime ? Quelle force lui fait surmonter le plus long chapelet d’épreuves qu’une vie puisse concevoir ? Quand elles ne viennent pas à lui, il les provoque en risquant sa peau d’alpiniste accroché au-dessus du vide. « Ce vide-là est plein : de mètres escaladés, de mousquetons mis dans un œil de métal et de corde enfilée, et de désir en voie d’être exaucé. Les doigts pensent, en touchant des renfoncements, des saillies, des pentes…le corps qui grimpe est un accordéon qui s’ouvre et se ferme sur les pointes des pieds et des mains. »
Points forts
« Le Plus et le Moins » ressemble à ces albums où les photos défileraient sans logique sous nos yeux : parents, amis, tranches d’enfance ou d’adolescence saisies sur le vif, voisins de quartier, deuils ou rencontres préparant au surgissement soudain de la maturité. On y devine les souvenirs de combats menés, de victoires ou d’échecs qu’ils appartiennent aux luttes politiques ou au domaine privé. Une polyphonie savamment orchestrée avec ce qu’il y faut de décousu pour que le charme opère.
A la manière d’un Fellini, la caméra d’Erri De Luca croise sur sa route des funambules de chair et d’os et le lecteur les emporte avec lui comme des amis trop longtemps perdus de vue. Des villes passent, certaines symboliques comme Guernica, d’autres comme Naples, incendiées par la force tellurique qui s’y attache. Le passé et le présent, la littérature et la vie, l’ombre portée des parents du narrateur, Kerouac et Dylan, un premier baiser maladroit, « sommet de l’intimité amoureuse », esquissent mille et une tarentelles sans jamais lasser.
Quelques réserves
Je n'en vois pas...
Encore un mot...
Excellent, tout simplement.
Une phrase
- "Les livres se versent dans l’entonnoir des yeux et se dispersent dans l’environnement de chacun …J’écrivais et mes pensées trépignaient pour sortir et courir elles aussi. Ce fut un précipice d’écriture …j’avais appris ce jour-là que l’écriture était un champ ouvert, une issue. »
- « Le silence (des vieux) n’est pas une absence de bruit, mais les deux lèvres d’une blessure ouverte. »
- Enfin, la dernière, symbole de tous ses combats : « dans ma vie, je me suis battu pour une égalité, pour une liberté mais la fraternité ne peut se conquérir. C’est un don, elle vient à l’improviste …mais elle existe, elle a existé, je l’ai goûtée. »
L'auteur
A soixante-six ans, Erri De Luca a derrière lui un passé aussi riche qu’atypique : ouvrier d’usine, manœuvre, politiquement engagé à l’extrême gauche dans le mouvement Lotta continua, anarchiste mais aussi volontaire dans des missions humanitaires en Tanzanie ou en Bosnie-Herzégovine, son parcours politique s’est doublé d’une brillante carrière littéraire. Auteur de cinquante-huit ouvrages, couronné par le prix Femina étranger en 2002 pour « Montedidio », par le Prix Ulysse en 2013 pour l’ensemble de son œuvre et la même année par le Prix Européen de Littérature, il est aussi poète, traducteur de dix ouvrages, alpiniste chevronné, coscénariste de nombreux films, acteur talentueux, collaborant à des journaux tels que La Repubblica, Corriere della Serra, Mattino, Avvenire. Sa marque de fabrique ? Le talent pour une vérité nue qui est le reflet de la vie : tantôt pesante et tragique, tantôt légère mais toujours nimbée d’un zeste de poésie et d’amour des autres.
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