Le Petit Antonin

Une enseignante, un enfant de 11 ans dans un roman à deux voix pour un superbe éloge à la littérature et à la poésie
De
Eliane SERDAN
Serge Safran
Parution le 7 avril 2023
165 pages
16,90 €
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Antonin, 11 ans, fait son entrée en sixième. Enfant ballotté entre ses parents divorcés et leurs nouveaux compagnons, il a peu ou pas d’amis. Il n’aime pas les maths mais il aime beaucoup le français qui nourrit son imaginaire. Ariane Ferrière, bientot retraitée, est une femme seule, passionnée de littérature et de poésie. Elle aime aussi passionnément son métier d’enseignante.

Par chapitre alternés, nous suivons le quotidien de chacun. 

Antonin nous narre son ressenti, mal compris par les copains, maltraité par le compagnon de sa mère. Il raconte son premier chagrin d’amour, son désespoir, sa solitude.

Ariane Ferrière raconte son amour pour son métier éclairé par de nombreux petits bonheurs quotidiens, ses moments de découragement aussi mais, surtout, sa passion à transmettre.

Cette enseignante a remarqué ce petit garçon dont les rédactions retiennent son attention.

Points forts

  • Une très bonne description du métier d'enseignant, à travers les rapports prof/élèves/parents et les directives pédagogiques de l’Education Nationale frôlant et atteignant l’absurde !
  • Antonin, avec le vocabulaire de son âge, décrit précisément son quotidien, ses difficultés.
  • Ariane Ferrière, avec maîtrise, aisance et psychologie narre son quotidien, sa passion pour aider ses élèves dont certains, hélas, décrochent sans que personne (famille, collège) cherche à savoir pourquoi. Avec une oreille attentive, elle encourage Antonin à lire, écrire, vivre sa passion.

Quelques réserves

Aucune réserve car j’ai ressenti  un grand coup de cœur pour ce livre petit en pages mais grand par le texte et l’histoire.

Encore un mot...

Dans ce roman « initiatique », deux solitudes, deux sensibilités se rapprochent, parlant chacun son tour des difficultés de leur quotidien. Un lien très fort se créé entre l’enfant, pris en tenaille au sein de sa (ses) famille(s) et l’enseignante, femme seule, sans vie privée, mais dont la vocation est « d’être le passeur de mots ».

Quelle merveille cette enseignante qui berce sa classe des œuvres de Dino Buzzati, de Molière et de poésies! L’auteure nous livre de belles références sur la littérature et la musique ; et se joue des mots et des notes comme Ariane, son héroïne, joue du violoncelle ou lit la poésie.

De très belles pages aussi lorsqu’elle fait venir dans sa classe un écrivain afin d’animer un atelier d’écriture, un écrivain qui dira « Qui est cet enfant ?» et qui aidera Antonin lorsqu’il participera à un concours de nouvelles.

Au-delà de l’enseignante et de l’élève, dans ce livre sont abordés d’importants sujets : la séparation, l’adolescence, les violences conjugales, la trahison et aussi la maladie ; tout est écrit avec bienveillance et douceur. 

Je ne connaissais pas l’auteure, mais quel bonheur cette écriture : le caractère du jeune adolescent avec son mal-être, son comportement parfois « à l’emporte-pièces », la grâce et la délicatesse de cette femme que l’on aimerait voir enseigner près de nos enfants. Tout est poésie dans le style et le fond laisse à réfléchir .

Un roman intense qui m’a beaucoup touchée et une fin magnifique que je laisse bien entendu découvrir par les lecteurs/lectrices.

Une phrase

  • « Il y a quelques années, lorsqu’un garagiste découvrit que j’étais enseignante, je connaissais d’avance la petite phrase qui n’allait pas manquer de suivre le sourire narquois ; « Alors, bientôt les vacances ?. »……. Comment le contredire? Oui, la réalité est souvent pire que ce qu’il imagine. Mais, sans mes élèves, j’aurais l’impression d’être un navire à la dérive. Dès que je suis dans une classe, je me sens à ma place. J’en sors, les batteries rechargées. Pour rien au monde, je ne changerais de métier. »  p.15
  • « Il y avait autrefois des livres de «perles d’élèves». Leur lecture me mettait mal à l’aise. Il y a des humiliations qu’on ne pardonne pas. Je me demande si bientôt il ne sera pas possible de collectionner les « perles d’inspecteurs ». En écoutant mes jeunes collègues raconter la visite d’aujourd’hui et les consignes qui ont suivi, je suis stupéfaite, même parfois atterrée. A titre d’exemple, il paraît qu’il est préférable de ne plus souligner les fautes dans une rédaction parce que tout ce rouge traumatise les élèves. Nous savions déjà qu’il ne fallait pas porter de jugement négatif dans les bulletins trimestriels. […] Pas plus qu’ils ne sont gênés par l’obligation de demander à un élève, en début de cours, d’inscrire au tableau « la problématique » qui sera abordée. La seule collègue qui ait osé suggérer que l’appareil pédagogique était de plus en plus lourd, que le jargon qui envahissait l’analyse littéraire, au lieu de jeter un pont entre les élèves et le texte, risquait au contraire de freiner tout enthousiasme pour un auteur, a obtenu en guise de réponse un commentaire ricanant « Ah oui ! la mode Pennac ! ».  p. 72/73

L'auteur

Eliane Serdan, née en 1946 à Beyrouth, a grandi en France où elle a fait des études de lettres et a enseigné la littérature. La retraite venant, elle se consacre à l’écriture et publie : Noces de cendres, éd. Serpent à plumes, 2006 ; Le Rivage intérieur, éd.du Rocher, 2008; La ville haute, éd. Serge Safran, 2016 ; L’Algérois, éd. Serge Safran, 2019.

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