Le labyrinthe des esprits

Digne des plus grands romans d'Alexandre Dumas
De
Carlos Ruiz Zafón
Editions Actes Sud
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Dans Barcelone bombardée, en 1938, le destin d’une petite fille se joue. Dans les années qui suivent la victoire des franquistes, d’autres drames se jouent.

A la fin de l'année 1959, le ministre de l’éducation et de la culture, Mauricio Valls, disparaît. 

Alicia, devenue une jeune femme enrôlée dans la police politique, est chargée par son mentor d’enquêter discrètement sur cette disparition aussi mystérieuse qu’embarrassante. La découverte d'un livre, le labyrinthe des esprits, la conduit à croiser Daniel Sempere, le propriétaire de la librairie Sempere et fils, dans une rencontre hypnotique qui  évoque L’ombre du vent , le roman fondateur du cycle du Cimetière des livres oubliés, quadrilogie dont Le labyrinthe des esprits est le quatrième volume. De cette enquête et de ses rencontres, émergent des trafics sordides, des destins brisés, des vengeances qui se croisent, des personnages cyniques, violents, attachants, extravagants. Difficile d’en dire plus sans dévoiler les fils d’une histoire aux ressorts aussi innombrables qu'inattendus ! 

Points forts

1- Ce roman immersif, à l’intrigue remarquable, nous entraine dans Madrid et Barcelone des années 50 jusqu’aux portes des années 90. Il nous plonge dans ces villes torturées de mystères, vous engage dans des rues brumeuses, des geôles infectes, à la découverte de sordides trafics. Ses héros traversent le temps, les mensonges et les manipulations comme des naufragés du devoir ou de la mémoire, à la recherche de leurs propres vérités. 

2- La seconde qualité de ce roman est très belle écriture de CR Zafón. Il sait associer avec bonheur la description des situations, des scènes d'action, des sentiments, inspirant tour à tour curiosité, angoisse, tension,  compassion, faisant de vous le témoin autant que l'otage de l'aventure ! 

3- Si la famille Sempere s'avère rester au centre de l'histoire, le personnage principal est sans conteste une héroïne nimbée de mystères, dont on ne sait si le profil ondule entre Lara Croft ou Mata Hari. Un mystère qui crée une tension particulière dans l’histoire; une héroïne forte et fragile, dont le destin nous échappe ... peut être.

4- Il y a aussi beaucoup de personnages secondaires, dont le truculent Fermin, dont les lecteurs de la série auront découvert les vertus (?...) picaresques dès le premier roman. Son humour et ses réparties de philosophe cynique et désabusé viennent opportunément détendre le lecteur stressé par l’intrigue.

5- Ce roman est encore un hommage au monde du livre, de leurs auteurs, des libraires et des bibliothèques, dont les mystères ne sont pas sans rappeler les bibliothèques labyrinthiques du "Nom de la rose" d'Umberto Eco, ou les "Citées obscures" des auteurs de Bandes dessinées Schuitten et Peeters.

6 - A noter enfin une traduction de grande qualité, due à Marie Vila Casas.

Quelques réserves

1- Personnellement, concernant le roman lui-même, je n’en ai pas trouvé. 

2- Concernant le livre, nous pouvons quand même signaler le poids du roman (845 pages, pas loin du kilo de papier !) et quelques erreurs typographiques ou orthographiques, qui surprennent au regard de la qualité de l'écriture et de la traduction. Mais cela est tout à fait mineur.

Encore un mot...

Ce roman est une lecture de l’été à ne pas manquer. Il conjugue érudition, suspens et poésie "noire", des personnages attachants servis par une très belle écriture et une intrigue ficelées de nombreux rebondissements, dont la cohérence se découvre petit à petit. 

Il n’est évidemment pas nécessaire d’avoir lu les autres romans pour apprécier celui là. Mais il est sans aucun doute une belle invitation à s'y plonger, voire à s'y oublier. Il donne aux années du régime franquiste une couleur très sombre qui n’est pas que fiction. Il esquisse aussi, à travers la quête de chacun des protagonistes du Labyrinthe des esprits, les balbutiements de la démocratisation de l’Espagne, entre justice et oubli, conservatisme et libéralisme, au nom de l’unité d’une nation fière de son identité. Ce livre conclut la tétralogie du "Cimetière des livres oubliés", en restitue la profondeur et la cohérence, en jeux de miroir entre réalité et fiction, entre présent et passé, jusqu'à un dénouement en abimes ! On le lit comme on un regarde un film d'action, scotché à son fauteuil ou à son lit, suspendu au temps de l'intrigue. Un régal et une expérience littéraire vraiment digne des plus grands romans d'Alexandre Dumas ! 

Une phrase

Ou plutôt trois:
1- "Vous n'avez rien dit à propos de l'homme au masque. Pensez vous comme moi? 
Il haussa les épaules, sceptique.
-Le rapport sur le prétendu attentat contre Valls au Cercle des Beaux-arts mentionnait un homme au visage couvert… dit Alicia. 
-C'est possible concéda Vargas. Je vais passer quelques coups de fil.
Une fois seule, Alicia laissa échapper un gémissement de douleur et porta la main à sa hanche. Elle envisagea de prendre un demi comprimé mais elle y renonça." P 313

2- " - Fermin ? Appela Bea avant qu'il ouvre la porte
Il s'arrêta, sans se retourner.
- Il y a quelque chose qu'Alicia ne nous a pas raconté, n'est ce pas ?
- Beaucoup de choses, je subodore, madame Bea. Et je crois qu'elle le fait pour notre bien.
- L'une d'elle est liée à Daniel. Et pourrait le faire beaucoup souffrir. 
Fermin se retourna et lui sourit d'un air triste.
- C'est à cela que nous servons vous et moi, pas vrai ? A éviter que cela ne se produise. " P 689

3- A propos du cycle du cimetière des livres oubliés : 
" La quatrième livraison, formidablement virulente et saupoudrée de tous les parfums des précédentes, nous conduira enfin au centre du mystère et nous révélera tous les secrets de la bouche de mon ange des ténèbres préférée, Alicia Gris. La saga comprendra des scélérats et des héros, et mille tunnels grâce auxquels le lecteur pourra explorer une trame kaléidoscopique pareille à la vision féérique que j'avais découverte avec mon père au cœur du cimetière des livres oubliés." P 809

L'auteur

Carlos Ruiz Zafón est un auteur espagnol, dont la célébrité explose en France à la suite de la publication de L'ombre du vent, en 2004, saluée dans la foulée notamment par le prix Fémina. Il a été vendu à 12 millions d'exemplaires et traduit en 36 langues. La quadrilogie du "Cimetière des livres oubliés" se déploie en 2009 avec Le jeu de l'ange et en 2012 Le prisonnier du ciel. Le labyrinthe des esprits clôt, en principe, cette série. Carlos Ruiz Zafón a écrit d'autres romans dont trois, édités en 2011 et 2012, constituent "le cycle de la brume". Il est également scénariste de films.

Commentaires

josette gaillard
lun 13/08/2018 - 14:49

j ai adoré ce livre malgré son épaisseur, on le lit sans le lacher
j'apprecie le talent de cet écrivain
je le recommande

Mitch
ven 29/03/2019 - 21:25

Depuis que j’ai découvert Carlos Ruiz Zafon, j’ai lu tous ses livres et je dois dire que j’ai été littéralement séduit, outre Marina que j’ai énormément apprécié, par la saga du Cimetière des livres oubliés.
Le Labyrinthe des esprits, son dernier roman et quatrième tome de la série, est sans aucun doute le plus noir mais aussi à mon humble avis le plus abouti.
Voilà donc un ouvrage, volumineux il est vrai et longtemps attendu par les inconditionnels que je suis devenu, mais difficile à lâcher tant l’intrigue y est excellemment menée et la narration parfaite.
Les personnages y sont surprenants, philosophes, drôles, intrigants, démoniaques, effroyables même ou tout simplement d’une simplicité imposant le respect.
Un univers un peu étrange et déroutant parfois par ses aspects fantastiques mais c’est celui de l’auteur qui nous envoute à chacune de ses pages.
Tous les ingrédients donc pour en faire un des meilleurs romans que j’ai lu.
Coup de chapeau à Marie Vila Casas pour sa traduction qui fait de ce roman un monument du genre littéraire du vingt et unième siècle.
Un conseil toutefois : le mieux est de commencer par L’ombre du vent, le premier roman de cette formidable saga. Et le reste devrait suivre, naturellement…

Merci Carlos de nous aider à nous évader aussi facilement dans votre monde littéraire !

Sachant
lun 05/04/2021 - 20:52

Un livre qui sort de l'ordinaire. C'est vrai. Je regrette juste les fautes de français du type "depuis le couloir" ou "le meilleur que j'ai eu". De même les fautes de ponctuation qui me paraissent très anormales chez un éditeur comme Actes Sud. La virgule systématique avant "et", par exemple.

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