Le Grand Feu
Parution le 16 août 2023
221 pages
19,50 €
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Thème
Au petit matin du 31 mai 1699 naît une petite Ilaria au foyer des Tagianotte, commerçants en tissus. La mère, ayant entendu chanter les jeunes filles à La Piéta , avait décidé de confier sa fille à La Piéta, afin qu’elle soit aussi une voix d’ange « Ilaria vivrait en s’élevant ».
Nous suivons le parcours de cette petite fille, une vie rude, sans contacts avec l’extérieur. Ilaria se rendra toutefois chaque Noël chez ses parents mais s’y sentira toujours exclue. Petite, elle se réfugie dans le lit d’une sœur, Bianca, cousine de sa Maman. Lorsque cela sera découvert, la sanction sera sévère et Ilaria sera moquée par son entourage. Elle subit…. Jusqu’au jour où Antonio Vivaldi, le maître de musique, ce « prêtre roux » fait fabriquer des violons de plusieurs tailles par son ami luthier Matteo Goffriller. Ilaria qui a 8 ans ne peut encore travailler le chant ; ce sera donc le violon et c’est le coup de foudre. L’instrument va devenir sa passion, son univers. Elle est violon, elle est musique.
Prudenza vient de l’extérieur apprendre le chant et le violon ; les deux adolescentes vont se lier d’une belle amitié. Elle obtiendra la permission d’inviter son amie chez elle ; ce sera pour Ilaria la découverte du monde, de la vie, la rencontre avec Paolo, frère de son amie.
Points forts
- La description de cet orphelinat qu’était La Piéta. comment ces jeunes filles, abandonnées bébé pour la plupart, grandissent dans cet univers clos et solitaire. Mais à La Piéta, ces petites filles étaient sauvées probablement de la mort et de la prostitution. Éduquées pour connaître la beauté absolue de la musique, elles étaient prisonnières d’une vie monacale.
- La description de la Sérénissime, ses magnifiques palais, ses canaux exigus, ses couleurs, ses sons et bruits.
- L’enfant trouve dans le violon le moyen d’exprimer sa passion, ce feu qu’elle ressent au creux de son ventre. Ce feu qui s’embrasera à l’adolescence lorsqu’elle découvre l’amour.
- L’amour et La Prieure. Malgré ses certitudes, cette femme sera émerveillée par la grâce d’Ilaria et ses pensées en seront troublées.
- La présence de Vivaldi : un aspect du Maître à re(découvrir).
Quelques réserves
Des personnages un peu trop romanesques, trop exaltés; des situations presque rocambolesques (ainsi la première sortie d’Ilaria chez son amie); Ilaria se consume pour la musique, Paolo naïf et immature rêve de combats, est-ce vraisemblable ?
Ilaria, personnage réel ou fictif, a pu être une parfaite copiste pour les œuvres de Vivaldi (cela faisait partie de l’enseignement de haut niveau qu’elle recevait), mais est-ce possible que le Maître lui ait laissé des pages entières de composition afin d’achever des morceaux tant il était sollicité ?
Encore un mot...
Léonor de Récondo, violoniste baroque avant d’être écrivaine, connaît bien le sujet. Il est donc agréable de suivre le fonctionnement de la Piéta, son enseignement de haut niveau, la qualité des concerts prisés des Vénitiens ; ces jeunes filles , invisibles en se trouvant dans le chœur séparé par une grille, mettaient en valeur l’œuvre de Vivaldi en n’attirant pas les regards.
Avec en toile de fond la musique, l’auteure aborde les thèmes de l’amitié, de l’amour, du passage de l’enfance à l’adolescence. Ilaria « animée d’un feu sacré » se consume pour la musique, le son de ce violon qui l’émerveille. Invitée par son amie Prudenza, la jeune fille ne connaîtra plus la paix, dévorée « par ce grand feu » : la découverte de la liberté, de Venise, de la vie, mais aussi de l’amour-passion. Sa passion grandit, dévorante. Mais c’est un amour tragique plus que romantique, un véritable embrasement dans tous les sens du terme.
Léonor de Récondo dans un roman court, marie fort bien le feu et l’eau dans ce cadre vénitien de la fin du XVIIème siècle : Ilaria qui brûle pour la musique et le jeune patricien, Venise et ses canaux, sa lagune.
Le style sensuel, précis, nous donne un livre très beau, très bien écrit, d’un esthétisme parfait. Mais je n’ai pas brûlé d’un grand feu. Bien que l’écriture soit musicale (on reconnaît les talents de violoniste de l’auteure et son amour des mots), je n’ai pas vraiment eu l’impression de vibrer au son de la musique de Vivaldi, un point qui ne me semble pas assez exploité.
Une phrase
- « Ilaria n’est pas la plus douée de ses élèves, mais Antonio a très vite su qu’elle avait une aisance peu commune pour l’improvisation. Elle invente, contourne, orne, diminue avec grâce, sa manière n’est jamais ostentatoire, démonstrative. Quand elle joue, la musique qu’il compose est un miroir qui éveille une couleur inattendue, un recoin de paysage inaperçu jusque-là. Il y a eu Maria, aujourd’hui il y a Ilaria. (……) L’âme d’Ilaria est incandescente. » p. 129
- « Des années de pratique pour se préparer au dernier mouvement. Sans trembler, parcourir le chemin connu et reconnu, la chapelle perdue, d’une note à l’autre, paysage familier qui lui permet d’entrer au plus près de son âme. De la tienne Paolo. Quelque part ton corps, et ton âme à moi. Je te rejoins. Ensemble, avec la musique, vivants et morts pour l’éternité. Quand le largo se termine, elle range le violon dans l’armoire, geste si souvent accompli. Elle n’entend pas le silence, elle est toute entière emportée par l’éclaboussure qui l’illumine et la guide. Elle reprend les lettres et la bougie. Elle sait comment le rejoindre. » p. 218 & 219
L'auteur
Léonor de Récondo est née en 1976. Violoniste baroque, elle se produit dans le monde entier. Elle a commencé sa carrière d’écrivain en 2010 et a publié neuf romans dont Amours, prix des Libraires et Grand Prix RTL-Lire en 2015.
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