Le Ghetto intérieur
192 pages
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Thème
Vicente est arrivé en Argentine en 1928. Il a tout quitté pour changer de vie : sa Pologne natale, ses origines juives pesantes, ses tentatives décevantes dans l’armée, mais surtout son frère, sa sœur et une mère possessive, dont il n’était pas mécontent de se libérer. Il lui donne des nouvelles de temps en temps … L’exil lui réussit. Elégant et habile, il passe des années heureuses grâce à sa femme Rosita, ses trois enfants, son magasin de meubles et ses amis. Rattrapé en 1940 par ce qu’il apprend sur la situation tragique des juifs en Pologne, il est renvoyé à son identité première, qu’il avait tenté d’effacer pour devenir un véritable argentin. Même si les nouvelles terribles restent incertaines, quelques lettres poignantes de sa mère, « emmurée » dans le ghetto de Varsovie, l’inquiètent de plus en plus.
Rongé par le remords, il sait qu’il ne peut plus rien pour celle qu’il a abandonnée ! Il se considère comme un fugitif, un traître, un lâche. Il choisit de s’enfermer dans le silence ; il refuse obstinément de passer par ces mots aussi insupportables qu’inutiles, jugeant que son désespoir est impossible à partager. Il survit en jouant au poker toutes les nuits ou en écoutant de la musique. Devenu un fantôme silencieux et solitaire, il regarde les siens sans les voir.
Points forts
• L’auteur s’approprie l’histoire de son grand-père, il explique même qu’il a écrit ses livres pour « combattre le silence qui (l’) étouffe depuis qu’(il est) né. »
• Les symboles forts de ce silence destructeur, qui pèse tant sur sa famille, parcourent ce récit, comme la blancheur de la neige de Varsovie, le brouillard ou le vide de la pensée. L’emmurement du fils dans le silence, son « ghetto intérieur », s’identifie à celui de sa mère dans le ghetto de Varsovie.
• Les questions sur l’identité taraudent Vicente : être juif, c’est être dans le malheur, d’après lui ; être polonais l’a déçu ; il a été attiré par la culture allemande, incarnée par le beau personnage du vendeur, Franz, qu’il choisit parce qu’il lui ressemble ; être argentin l’a rendu heureux. Mais « en 1941, être juif était devenu … une identité unique. »
• L’amour inconditionnel de sa femme Rosita : elle continue à l’aimer tout en s’interrogeant sur son absence, même quand il est là.
Quelques réserves
Je n’en vois pas.
Encore un mot...
Un récit simple, lucide et sobre d’une beauté touchante ! A travers une alternance entre l’intimité profonde et secrète de Vicente et la présentation froide et calculatrice de la « solution finale » imaginée par les criminels nazis, Santiago Amigorena nous propose une analyse juste, fine et sensible du désarroi qui s’empare de cet homme, impuissant face au sort inéluctable de sa propre mère.
Une phrase
« S’éloigner de sa mère, en 1928, l’avait tellement soulagé – être loin d’elle, aujourd’hui, le torturait tellement. » p. 60
« Il voulait parler, mais prisonnier du ghetto de son silence, il ne pouvait pas parler. Il ne savait plus. » p.158
« J’aime penser que Vicente et Rosita vivent en moi, … qu’ils vivront dans le souvenir de mes enfants, et dans ces mots, que … j’ai pu leur adresser. » p.191
L'auteur
Né en 1962, Santiago H. Amigorena est venu en Europe à cause des dictatures latino-américaines. Scénariste, il a entrepris une œuvre autobiographique dominée par ce fameux silence, en plusieurs volumes, dont Une enfance laconique (1998), Une jeunesse aphone (2000), Une adolescence taciturne (2002), Une maturité coite (1978, 2003, 2016). Le Ghetto intérieur vient d’obtenir Le Prix des Libraires de Nancy et est sélectionné par plusieurs jurys littéraires.
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