Le dernier des Yakuzas
384 pages
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Thème
Makoto Saito débute très jeune dans la délinquance : Le Japon des années 60/70 émerge à peine des séquelles de la guerre ; tout est permis, tout est possible. Saito, né en 1960, d'une mère, née à Seattle au sein de la communauté japonaise d'Amérique, n'a que deux occupations : jouer de la guitare dans son groupe rock et rançonner sa banlieue à la tête de sa bande de motards. Il se prend pour James Dean, aime qu'on le surnomme « l'Américain ». Son ambition est de devenir un Yakuza, un vrai truand chef de gang. Le récit en est la trajectoire loufoque, incertaine, délirante...
Points forts
C'est très drôle, car Saito est un looser-né. Heureusement qu'il a des copains. On visite (ou revisite) le Japon dans ce qu'il a de plus socialement original, ce mélange de permissivité yankee et des interdits de la tradition. Saito, imprévisible, immature, alcoolique précoce, a un côté infantile agaçant. La sagesse ne lui vient que tardivement au prix de l'hécatombe de sa propre organisation. Alors, il «se range des voitures», comme on dit dans sa banlieue.
Au début du récit, l'histoire (tragique) de son propre père est bouleversante. Ensuite les chapitres consacrés aux premières lois contre le crime organisé (p.163), l'aménagement des impôts (p.285), l'utilité des enterrements pour descendre tout un clan (p.233), ouvrent des lucarnes japonaises qui laissent pantois.
Quelques réserves
Dès la page 83 on n'y comprend plus grand-chose entre les nom compliqués des organisations Yakuzas rivales et complémentaires. Mais cela n'a guère d’importance finalement : le partage des « marchés » (celui des crèmes glacées p.225 est désopilant) et les zig zags de Saito sont autant d'aventures imprévisibles et suffisent au lecteur. Mais on peut être plus exigeant, car c'est assez répétitif. Au début, un Avertissement de l'auteur aurait été fort utile, de même que les listes des Organisations et de leurs protagonistes.
Encore un mot...
Ce n'est pas un vrai policier : on découvre d'abord l'histoire tragique du Japon depuis 100 ans, et celle des Organisations Yakuzas qui ont en quelque sorte succédé aux Clans Samouraï et à leurs traditions. C'est passionnant : l'honneur par le sabre côtoie la liquidation par Winchester. Les Sociétés Yakuzas sont complexes, rivales, sans scrupules, dotées de codes d'honneur ésotériques.
Saito – notre héros – y patauge avec plus ou moins de réussite car il est vaniteux, irresponsable, gaffeur, paresseux, toujours à court d'argent, d'alcool et de drogue. Mais il est aussi très pointilleux sur la fidélité en amitié, le respect des femmes (pas toujours), des enfants, et des rituels courtois...Quel mélange !…
Une phrase
"A une époque où le Japon connaissait très peu de divertissements, le jeu était très populaire. Des fédérations informelles et itinérantes de joueurs connues sous le nom de Bakuto furent l'origine des Associations modernes de Yakuzas alimentées en permanence par l'activité des tripots clandestins..."
"En qualité de Kumicho, Saigo représenterait le groupe, ce qui voulait dire qu'il fallait soigner les apparences. Il allait devoir conduire une Mercedes, porter une montre hors de prix, vivre dans une grande propriété, utiliser un briquet plaqué or, et se montrer partout "(p. 74)
L'auteur
Jake Adelstein journaliste, écrivain réputé, spécialiste du Japon et de son histoire récente, a longuement exploré le monde des Yakuzas et de leurs organisations criminelles. Il a même dû être « protégé » et n'a eu la vie sauve, ainsi que sa famille, qu'à la condition d'arrêter ses investigations. Makoto Saito existe vraiment, et sa vie a servi (avec son autorisation) de trame à ce pseudo roman plus proche de la biographie que de l'imaginaire. On doit aussi à Adelstein Tokyo Vice publié en 2016.
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