Le colibri

Un portrait émouvant et plein d’humanité
De
Sandro Veronesi
Grasset, 13 janvier 2021 -
384 pages -
22 euros
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Le colibri est ce petit oiseau qui met toute son énergie à rester immobile. Mais ici le colibri est Marco Carrera, dont Sandro Veronesi nous raconte l’histoire : comment il fit face à tous les événements qui auraient pu, qui auraient dû, chambouler sa vie.  Alors que le monde autour de lui se fissure et finit par exploser, il reste stoïque, certain de faire le bon choix. Heureusement, on ne peut pas éternellement passer à côté de toute sa vie.

Points forts

On retrouve comme dans ses derniers romans, Chaos calme, XY et Les terres rares, un héros qui suit sans pouvoir l’inverser la courbe inexorable des événements, tout en sachant qu’elle le conduit à sa perte. L’auteur a placé en exergue de son roman une citation de Samuel Beckett : « je ne peux pas continuer. Je vais continuer ».

Et toute sa vie s’avère un ratage total, jusqu’à ce qu’il envisage d’en reprendre le contrôle in extremis.

Mais comparé à ces héros précédents dont l’histoire se déroulait à un moment précis de leur existence qu’il venait sanctionner, l’action du colibri se déroule sur toute la durée d’une vie. Veronesi devient alors l’égal d’un Frantzen dont les fresques familiales donnent une dimension épique à chacune de ses histoires. En déroulant les ramifications de son récit fractionné là où on ne l’attend pas, ces multiples rebondissements inattendus confèrent à l’histoire une ampleur et une dimension nouvelles.

On trouve dans ce livre tout ce qui fait un grand roman : des personnages, surtout féminins, finement campées, des zones d’ombre qu’éclairent subitement de beaux soleils, des moments intimes que l’on partage facilement, de l’humour et toujours cette ironie, parfois désespérée mais toujours élégante propre aux Italiens.

Quelques réserves

La fin peut-être ? Vous me direz …

Encore un mot...

Sandro Veronesi fut architecte avant de se consacrer uniquement à l’écriture. On retrouve dans ses procédés narratifs le souci d’une construction parfaitement maîtrisée. L’histoire du colibri, contée en courts chapitres non chronologiques, s’étend sur 70 années.

Il se détache d’un mode linéaire classique au profit d’un récit éclaté qui convoque les événements comme des souvenirs. Ces fragments s’appellent et se répercutent sans jamais nous faire perdre de vue leur sujet.

Une phrase

« Tu es un colibri parce que comme le colibri, tu mets toute ton énergie à rester immobile. Soixante-dix battements d'aile à la seconde pour rester là où tu es déjà. En cela, tu es formidable. Tu réussis à t'arrêter dans le monde et dans le temps, tu réussis à arrêter le monde et le temps autour de toi, et même parfois tu réussis à le remonter, à retrouver le temps perdu, tout comme le colibri est capable de voler à reculons ».

L'auteur

Sandro Veronesi, qui a gagné ses galons de « grand écrivain » italien, a fêté ses 62 ans le 1er avril (magnifique date de naissance pour un homme dont le métier est d’inventer des histoires). Avec Le colibri, son dixième roman, mais aussi des essais, des nouvelles, des scénarii ou des adaptations, il poursuit une œuvre qui fait de lui l’un des plus grands écrivains italiens contemporains. Elle a été récompensée par de nombreux prix, en Italie (deux fois le prix Strega, notamment en 2020 pour le Colibri) et en France (Femina étranger et prix du livre étranger 2021 Inter Le Point pour le Colibri).

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