Le Cénotaphe de Newton

Une autopsie décapante des ravages du communisme d'Etat
De
Dominique Pagnier
Editions Gallimard
Notre recommandation
4/5

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Thème

Résumer ce roman foisonnant de 600 pages tient de la gageure. Disons qu’un narrateur, très germanophile, à la recherche de la personnalité énigmatique de feu son père, rencontre par hasard Manfred Arius, le dernier descendant d’une lignée prussienne d’architectes et d’aérostiers. S’appuyant, parmi diverses sources et témoignages, sur le dossier rédigé par Götz, un agent de la Stasi, la police politique de la défunte Allemagne de l’Est, il en reconstitue la  vie. C’est celle d’un grand bourgeois converti au communisme dont il épouse toutes les causes et accepte toutes les compromissions.

Dominique Pagnier entraîne son lecteur de Vienne à Odessa en 1918, d’Albacete au cœur de la guerre d’Espagne au Potsdam et au Berlin sombres de l’après guerre et de la démocratie populaire, pour finir dans les forêts de Carélie.

Points forts

- Plutôt que le Cénotaphe de Newton, projet d’une vaste sphère imaginée par Etienne-Louis Boullée, mort en 1799, architecte néo-classique comme Ledoux, c’est le cénotaphe du XXème siècle, marqué par la floraison d’utopies sanguinaires, que construit Pagnier.  Les nostalgiques du communisme d’Etat pourront y lire les ravages psychologiques et sociologiques  engendrés par ce monstre de la raison. Généreux et idéaliste, le héros, Arius, se transforme en traître polymorphe, dénonçant successivement ses camarades de combat, les artistes qu’il côtoie…  avant d’envoyer sa propre fille en prison.

- La construction du roman est très habile. Pagnier parvient à assembler toutes les pièces de ce puzzle complexe, dans le temps et dans l’espace, sans complètement désorienter son lecteur.  De façon à stimuler son intérêt, il multiplie les références à des événements ou des bribes d’information qui apparaissent plus tard dans  le  roman.

- Dans un style fluide et ample sans être brillant et malgré un emploi étrange du relatif “quoi“, l’auteur parvient à donner vie à une pléiade de personnages, et à brosser,  grâce à une multitude de détails vrais ou vraisemblables, le tableau d’une société disparue qui n’est pas sans évoquer le beau film de Henckel von Donnersmark, "La Vie des autres".

Quelques réserves

A la réflexion, le personnage de Manfred Arius, central dans le roman, ressemble un peu à une créature de Frankenstein, tant il est un assemblage de tous les types de communistes qui ont traversé le siècle, des mutins de la mer noire aux brigadistes internationaux, en passant par le Komintern et le totalitarisme dans l’Europe orientale. En outre on peine à comprendre qu’un tel mélange de courage et de veulerie puisse coexister dans le même individu.

Encore un mot...

Un formidable roman, passionnant de bout en bout, qui tranche avec les bluettes habituelles de la production romanesque.

Une phrase

« Le but du Komintern était de diffuser le communisme dans tous les pays, pour l’avènement d’un monde enfin gouverné par la dictature paradisiaque du prolétariat. Ce nom de Komintern a toujours pour moi des résonnances mystérieuses et je dois m’émerveiller devant le fait qu’Arius a pris part à cette gigantesque utopie qui secoua l’univers, à laquelle bien des idéalistes sacrifièrent tout et dont Staline précipita la fin. »

L'auteur

Plus connu comme poète que comme romancier, Dominique Pagnier a publié de nombreux poèmes, essais  et est venu plus tard au roman avec la publication, en 1997, des Filles de l’air. Il a manifestement une prédilection pour l’Europe germanique qu’il connaît à l’évidence intimement.

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