Le bureau d’éclaircissement des destins
Publication en janvier 2023
408 pages
23 €
Infos & réservation
Thème
Irène vit à Bad Arolsen depuis 25 ans. Mariée à un allemand, dont elle a eu un fils, Hanno, elle est divorcée. Irène travaille aux archives Arolsen, à « L’International Trading Service », centre de documentations, d’informations et de recherches sur la Shoah et les persécutions nazies.
Sa directrice lui demande en 2016, en tant qu’archiviste et enquêtrice, de retrouver les traces des disparus à partir d’objets « un pierrot au tissu usé, un médaillon avec une mèche de cheveux, un mouchoir brodé, des alliances, des chevalières… ».
Irène va s’investir dans cette mission et chercher à retrouver des rescapés ou des descendants des disparus.
Points forts
- Des personnages fictifs qui semblent réels tant l’auteure met d’intensité dans son récit.
- Dans ce roman à fondement historique, les descriptions sur les persécutions nazies sont dévoilées au fur et à mesure des enquêtes.
- Rendu très documenté et précis sur la vie dans le ghetto de Varsovie, les Lebensborn, la « germanisation » par les nazis, la dénazification, la guerre froide…
- La relation d’Irène, formée à ce travail d’enquêtrice par une vétérane de l’ITS qui sera son mentor et son amie, Eva une rescapée polonaise des camps de la mort, mais décédée d’un cancer quelques années plus tôt.
- La scène à l’EHPAD entre un Allemand et sa famille polonaise.
Quelques réserves
- La multitude des personnages, avec trop de ramifications entre eux, m’a fait parfois décrocher de l’histoire.
- Les enquêtes parfois moins crédibles : le hasard qui arrange un peu trop la suite des évènements.
- La fin ne m’a pas vraiment convaincue. Après un livre sérieux, sur des événements épouvantables de l’Histoire, cela se termine un peu comme une petite histoire « feel-good ». Ayant beaucoup apprécié, les précédents livres de l’auteure, j’ai eu du mal à entrer dans cette histoire, et suis déçue par celui-ci.
Encore un mot...
Malgré un titre un peu accrocheur, le roman a vraiment de grandes qualités historiques. Il est intéressant de suivre l’histoire personnelle d’Irène. Expatriée jeune en Allemagne, elle s’y marie, a un fils Hanno avant de divorcer après avoir eu des doutes sur le passé de sa belle-famille. Au fil du roman, elle prend de l’ampleur dans ses relations aux autres, avec son fils étudiant. Par contre, ses retours à Paris pour retrouver son ami de jeunesse Antoine, étaient-ils indispensables pour l’histoire ?
Créé par la Croix Rouge, ce centre se situe à Bad Arolsen dans la Hesse allemande (la ville fut un berceau pour des SS à la suite du prince nazi qui y résidait) ; il est devenu « L’International Trading Service » en 1948 , important centre avec ses 30 millions de documents, ses 3200 objets à restituer. Ce roman est très documenté sur le rôle de la Pologne, le fonctionnement des camps, les conditions de vie effroyables. Dans ce roman, l’auteure nous rappelle le sort de ces enfants (12000) enlevés pour être adoptés par des familles nazies, les expérimentations médicales, les Lebensborn mais elle nous parle aussi de ces cheminots qui ramassaient les messages jetés sur les ballasts des trains qui emmenaient souvent vers la mort.
De l’Allemagne à la Pologne, en passant par la France, l’Angleterre, l’URSS, les Etats-Unis, la Grèce et Thessalonique, l’Italie et l’Argentine, c’est tout un devoir de mémoire collective et sociétale que nous propose l’auteure. C’est un roman ambitieux, d’une grande qualité d’écriture comme toujours avec Gaëlle Nohant, mais qui demande une attention soutenue en raison de la complexité de ses intrigues avec les nombreux personnages.
Une phrase
- “ Dans la petite ville, les volets fraîchement repeints s’ouvrent sans grincer, les cheminées fument dans le matin brumeux. Rien ne dépasse, n’échappe à la vigilance des voisins. Irène aperçoit le boucher qui lève son rideau de fer. Quand elle lui adresse un signe amical, il fronce les sourcils, le regard troublé par un fond de méfiance. Il y a plus de vingt-cinq ans qu’elle s’est installée ici, mais les habitants de Bad Arolsen la voient toujours comme une étrangère. Cette Française qui les juge par en-dessous. Et vient remuer, avec d’autres qui lui ressemblent, de vieilles histoires qu’il serait temps de laisser dormir. » p. 11
- « (…….) Cette carte était un outil de travail. Une gigantesque toile d’araignée aux dimensions de l’Europe nazie. Le sort de dizaines de millions de personnes s’est joué ici. Celles qui ont fui, celles qui ont été prises ou se sont cachées, celles qui ont résisté, celles qu’on a assassinées ou sauvées in extremis.. Et puis il y a l'après-guerre. Des millions de personnes déplacées. De nouvelles frontières, des traités d’occupation, des quotas d’immigration, l’échiquier de la guerre froide… Tu devras apprendre tout ça, devenir savante. Plus tu maîtriseras le contexte, plus tu réfléchiras vite. Le temps que tu gagnes, c’est la vie de ceux qui attendent une réponse. Et cette vie est un fil fragile. » p. 25
L'auteur
Gaëlle Nohant est née à Paris en 1973 Elle a écrit La part des flammes dans le Paris de la fin du XIXème siècle et l’incendie du Bazar de la Charité ; Légende d’un dormeur éveillé sur la vie du poète Robert Desnos, prix des Libraires 2018.
Ajouter un commentaire