A l'aube de nouveaux horizons
346 pages, dont deux cahiers couleur
21 €
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Thème
Depuis la révolution copernicienne, les horizons de la vie se font plus lointains, plus complexes, plus abyssaux. Dans les lacs profonds des Andes comme dans les fosses océaniques, la découverte récente d'organismes vivant sans aucun contact avec la surface, dans des milieux très chauds ou très froids, sous des pressions considérables, a rebattu totalement les cartes de la recherche de vies extraterrestres. Ces dernières années aussi, les méthodes d'observation des mondes lointains (des planètes aux galaxies) ont également considérablement progressé, permettant de doter les astres observés de signatures physiques et chimiques de plus en plus précises. Il fallait les compétences d'astrobiologiste de Nathalie Cabrol, franco-américaine, engagée dans les programmes d'exploration spatiale de la NASA, pour prendre et brasser ces disciplines.
A l'aube de nouveaux horizons retrace l'histoire des recherches des formes de vie dans l'univers, en explique l'apparition sur Terre, les hypothèses "d'ensemencement" dans l'espace autant que les conditions possibles de son apparition conjointe et inévitable du fait des conséquences du Big Bang. Sa démarche se concentre d'abord sur le système solaire, Terre, Vénus, Mars, les satellites de Jupiter et de Saturne, pour rejoindre la Voie Lactée, la découverte des exoplanètes, puis sortir de notre galaxie et en rejoindre quelques autres dans les univers profonds. Ce parcours dans l'espace est celui des recherches actuelles de formes de vie, en surface des planètes ou de leurs satellites, sous leur croûte de glace, de roches ou de gaz, dans ces "mondes océans" découverts très récemment. Et les révélations sont aussi étonnantes que nombreuses, car si elles sont encore du niveau de la probabilité statistique, le fait que ces traces de vie existent sous formes microscopiques ou de constructions biologiques plus complexes pourrait être prouvé à l'échelle de notre génération.
L'essai développe également la probabilité de découvrir des civilisations "intelligentes", d'en capter les signaux, dans le temps court de nos développements technologiques au regard des milliards d'années (lumière et terrestre) qui nous séparent probablement d'elles.
Points forts
Cet essai a de nombreux points forts pour les amoureux des sciences, mais pas que !
Pourquoi ? Écrit avec une incontestable passion, il offre une lecture accessible et riche de la nouveauté des informations qu'il contient, hormis quelques termes très spécifiques, souvent "éclaircis" dans la continuité du texte.
Cet essai est illustré, de photos en noir et blanc en excellente concordance avec le texte, la plupart intégrant des schémas en langue française, faciles à lire et à comprendre. Il comporte aussi - bonne surprise - deux cahiers de belles photos en couleur, dont la définition et le rendu sur un papier "couché" permettent de magnifier la beauté.
Au-delà de la forme, cet essai de Nathalie Cabrol raconte cette recherche, nouvelle, complexe et pluridisciplinaire, des traces de vie dans l'Univers. Ici, point de folklore mais la pédagogie de ces disciplines pointues de traitements et d'interprétation des signaux captés par des satellites et des télescopes, au regard de leurs signatures physico-chimiques connues sur Terre.
Cela peut paraître ardu mais les talents de vulgarisation de l'auteur nous emportent dans une enquête détaillée et haletante, ouvrant de nombreuses hypothèses, décrivant les protagonistes et les suspects, opposant les arguments, proposant des interprétations, avec autant de prudence que de convictions.
Le dernier tiers de l'ouvrage est plus spécifiquement consacré au programme SETI, qui cherche des "signatures" de civilisations avancées dans notre galaxie et l'espace profond, de la probabilité de les détecter ou non.
Cet essai met à jour certaines équations bien connues des passionnés d'astronomie - le paradoxe de Fermi, qui énonce que si de nombreuses civilisations vivaient comme nous dans l'univers, il est étonnant qu'elles ne se soient pas manifestées, ou encore les équations de Drake (décédé en novembre 2022 et père fondateur de l'Institut SETI) ou de Ward & Brownlee, qui mettent en formules mathématiques les chances de découvrir d'autres formes de vie dans l'univers.
Rapportée au nombre d'étoiles et de planètes situées dans leur "zone d'habitabilité", sous les formes que nous connaissons, ou sous des formes que nous ne connaissons pas encore, la probabilité de vies extraterrestres se compterait en millions, voire en milliards de mondes.
Le vertige occasionné par ces chiffres rentre, malgré ses effets secondaires, dans les points forts de cet essai.
Quelques réserves
Avec un titre très “far west”, ce livre, vraiment intéressant et bien construit, a en effet besoin de son bandeau "Le point sur la recherche de la vie dans l'Univers" pour permettre d’en percevoir le sujet et la promesse de sa richesse intérieure.
Le dernier chapitre sur les dangers du développement de notre civilisation aux périls de ses équilibres naturels n'apporte pas la synthèse attendue pour cet ouvrage passionnant. Sauf à nous alerter sur l'absurdité du risque de voir notre civilisation disparaître alors qu'elle approche les capacités à comprendre et à maîtriser son environnement, et de découvrir d'autres formes de vies et de développement, loin dans l'univers.
Encore un mot...
Depuis quelques décennies, biologie, astronomie, technologies d'observation spatiale ont fait des progrès considérables. L'astrobiologie est devenue une discipline à part entière qui, s'inspirant des découvertes récentes de la vie dans des conditions extrêmes sur Terre, détient les clefs conceptuelles et technologiques pour en pister les traces dans l'espace. Ce livre vous apprendra, sans (trop) vous perdre dans un jargon de spécialiste, ce que vous avez peu de chances d'avoir appris en classe ou sur les bancs des études supérieures : le comment, le pourquoi et l'enjeu de la traque des formes de vies et d'intelligence dans l'Univers. Il vous apprendra aussi les efforts conjoints de la communauté internationale pour coordonner ces recherches et en définir les priorités dans les programmes spatiaux futurs, en particulier sur Mars, Encelade, Cérès ou Titan, satellites de Jupiter et Saturne. En partageant avec talent sa passion d'exploratrice des mondes inconnus, Nathalie Cabrol réussit avec cet essai un bel exercice de vulgarisation. Vous ne le lirez peut-être pas sous les étoiles mais pourriez y passer quelques unes de vos nuits !
Une phrase
- "Nous vivons un âge d'or en astrobiologie, le début d'une odyssée fantastique dans laquelle l'essentiel reste encore à écrire mais où nos premiers pas apportent déjà la promesse de découvertes prodigieuses. C'est cette fabuleuse aventure humaine que je souhaite partager avec vous dans ce livre - les découvertes bien sûr, mais aussi les questions qui restent aujourd'hui encore en suspens : quelle est l'origine de la vie ? Sommes-nous seuls dans l'univers ? Ces questions sont aussi vieilles que l'humanité mais nous n'avons jamais été aussi proches de pouvoir y apporter une réponse. " P 9
- "Les mondes glacés de la ceinture de Kuiper ont pulvérisé la limite de distance au Soleil à laquelle nous pensions pouvoir trouver des conditions habitables. La Lune nous apprend à nous méfier des apparences. Et avec Mercure, nous sommes peut-être en train de repousser les limites de proximité au Soleil où des environnements habitables auraient pu exister." P 190
- "Des civilisations technologiquement jeunes comme la nôtre sont peut-être relativement isolées dans l'espace, l'écho de nos ondes commençant à peine à former des vagues sur l'océan cosmique. D'un autre côté, ce sentiment d'isolement n'est peut-être que le résultat de notre façon de voir les choses car il est probable que des civilisations plus anciennes soient susceptibles d'avoir une connaissance plus approfondie des lois qui régissent l'Univers et d'être suffisamment avancées pour avoir conscience de notre existence, malgré la distance. Et ces civilisations sont peut-être nombreuses. " P 254
L'auteur
Nathalie Cabrol est chercheuse, spécialisée aujourd'hui en astrobiologie. Sa carrière débutée en France en géologie et planétologie, se réoriente vers les Etats- Unis à la fermeture de son laboratoire de l'Université Paris Sorbonne. Elle s'investit dans plusieurs programmes scientifiques de la NASA notamment dédiés à l'exploration de la planète Mars. Elle entreprend des plongées profondes dans les lacs des Andes pour étudier les formes de vies développées dans des environnements extrêmes. Elle serait, à ce titre, détentrice du record féminin de plongées réalisées à la plus haute altitude.
Depuis 2015, elle est directrice scientifique de l'équipe NASA du Centre de recherche Carl Sagan de l'Institut SETI (Search for Extraterritorial Intelligence - Recherches d'intelligences extraterrestres) et participe aux programmes de préparation des futures missions sur Mars. Elle a publié de très nombreux articles dans des revues internationales à comité de lecture (les revues de plus haut niveau), et un ouvrage autobiographique en 2021, Voyage aux frontières de la vie (Le Seuil)
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