L’AIR ÉTAIT TOUT EN FEU
Parution Août 2022
348 pages
22,00 €
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Thème
En 1718 Philippe d’Orléans est régent depuis trois ans après avoir fait casser par le parlement le testament arraché à Louis XIV mourant qui instituait à ce poste le duc du Maine, l'aîné des bâtards légitimés du roi et de la Montespan. L’épouse de celui-ci, Louise-Bénédicte de Bourbon Condé, princesse du sang, intrigue avec fureur pour faire rétrocéder la régence à son falot d’époux, n’hésitant pas à frôler la haute trahison en faisant appel au roi d’Espagne « au cas où » le petit roi viendrait à disparaître… Ces manigances, qui impliquent beaucoup d’aristocrates de « la vieille cour » et jusqu’au premier ministre espagnol, sont passées dans l’histoire sous l’appellation de « conspiration de Cellamare » (du nom de l’ambassadeur d’Espagne à Paris). Elles seront contrées avec maestria par un Philippe d’Orléans olympien secondé efficacement par son tortueux ministre l’abbé Dubois.
Points forts
- Un sens aigu du portrait, souvent caricatural :
La duchesse du Maine dite Ludovise, précieuse « dont on chante l’esprit depuis près de vingt ans » est entourée d’une cour de beaux esprits qui ourdissent les libelles outranciers destinés à salir le Régent. « Cette furie haute comme une enfant de huit ans », « plâtrée de céruse et de rouge », orgueilleuse de son sang jusqu’à la folie, se sent mille fois supérieure à son fils de roi de mari qui n’est qu’un bâtard légitimé.
Le Régent, lui-même humilié d’avoir dû épouser une légitimée (Mlle de Blois) sur ordre du roi soucieux d’abaisser la branche cadette des Orléans, doit faire face à notre intrigante. Il est indolent, myope comme une taupe, adepte effréné des plaisirs de la chair (bien que les fameux « petits dîners » ne soient qu’à peine évoqués) mais il fait preuve d’un sens politique irréprochable et d’une loyauté sans faille à l’égard du petit roi.
Et les autres, tous les autres, dont :
Dubois « le fils d’apothicaire devenu ministre par un caprice du destin », ancien précepteur du duc d’Orléans resté un inconditionnel du Régent, est capable de négocier la Quadruple alliance alors que sa police décèle le moindre complot grâce à des « mouches » infiltrées dans tous les mauvais lieux.
Saint Simon, dont les Mémoires très orléanistes et partiales marqueront à jamais la période de la Régence est par ailleurs fort imbu de lui-même.
Le duc de bourbon « pas seulement borgne d’un œil mais cyclope d’esprit » intrigue bassement pour obtenir le poste de précepteur du petit roi…
C’est une multitude de personnages, esclaves d’une étiquette draconienne, que nous présente Camille Pascal, pointant en outre l’incompétence de conjurés sans aucun sens politique, l’indolence de princesses vautrées sur leurs canapés de soie, la condition des domestiques aux ordres et des soubrettes astreintes aux nuits sans sommeil quand leurs maîtresses, « tenant bureau d’esprit » ont décidé de veiller jusqu’à l’aube. - L’auteur évoque en corollaire l’aspect politique, économique et fiscal de cette période si courte et si remplie que fut la Régence avec le système de Law et l’utilisation du premier papier monnaie, la compagnie des Indes et celle du Mississipi, mais ceci dans la juste mesure où les Grands y trouvent quelque intérêt. Ne pas oublier que l’action se déroule au cours de l’année 1718 et que la faillite de Law n’a pas encore ruiné les épargnants français.
- Le style éblouissant colle au langage du temps, non sans un certain recul servi par un humour omniprésent.
Quelques réserves
- Le titre, choisi assez artificiellement en fonction d’un fait divers inconnu de la plupart des lecteurs, ne me semble guère coller à cette histoire bien réelle de haine et de complots.
- Le nombre de personnages mis en scène est tel que le lecteur risque d’avoir un certain mal à s’y retrouver dans les parentèles croisées et les intérêts divergents qui sous-tendent les controverses et les revendications des uns et des autres. La multiplication des intrigues, cabales, conspirations les plus mal ficelées, rendent parfois l’histoire difficile à suivre pour un lecteur qui n’a pas l’érudition historique d’un Camille Pascal.
Encore un mot...
Il n’est pas impossible que les libelles concoctés par les adorateurs de la duchesse du Maine soient en partie responsables de la réputation désastreuse laissée par le Régent, alors qu’il fut essentiellement préoccupé de maintenir la grandeur de la France qu’il allait remettre au jeune Louis XV.
Une phrase
L’ouverture du Conseil de régence :
« Le garde des sceaux, prenant la parole, annonça que la résistance du Parlement et son usage inconsidéré du droit de remontrance dont il jouissait pourtant par la seule bonté de Son Altesse Royale, monseigneur le Régent, nécessitaient d’être remis dans les bornes de l’obéissance due au roi (…) Le Régent surenchérit en expliquant qu’il comptait bien remettre entre les mains du jeune Louis XV, au jour de sa majorité, l’autorité royale aussi intacte et absolue qu’elle lui avait été confiée par le feu roi son oncle. » (p. 203)
L'auteur
Camille Pascal, né en 1966 à Montpellier est agrégé d’histoire et haut fonctionnaire
Après avoir occupé le poste de secrétaire général et de directeur de la communication du groupe France Télévisions, il fut conseiller du président Nicolas Sarkozy entre 2011 et 2012 et siège depuis au Conseil d'État.
Outre un certain nombre d’essais et d’ouvrages collectifs touchant à l’actualité, il est l’auteur de trois romans historiques dont L'Été des quatre rois pour lequel il obtient le grand prix du roman de l'Académie française en 2018 - et dont vous trouverez la chronique de Culture-Tops
en cliquant sur le lien ci dessous : https://www.culture-tops.fr/critique-evenement/romans/lete-des-quatre-rois
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