L’Air de rien
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Thème
Waldo, réalisateur de cinéma célèbre, hospitalisé à domicile dans son cossu appartement londonien de Kensington, vit entouré de sa femme Zee, fragile et frustrée, beaucoup plus jeune que lui, et d’un quadra encombrant, Eddie, son biographe, «ami de moins de trente ans », gay ou plutôt « bi », et terriblement dilettante.
Au fil du temps, le cinéaste, qui ne dispose plus dans son état de grande dépendance que d’un regard acerbe et méthodique sur la réalité, développe une paranoïa sur les relations entre sa femme et Eddie; avant d’ élaborer une vengeance très « cinématographique ».
Points forts
- Le style vif et alerte, résolument contemporain, de cet écrivain issu de l’immigration pakistanaise, auteur dramatique à ses heures, et qui se situe dans la droite ligne du théâtre et de l’esprit britannique, d’Oscar Wilde à Harold Pinter.
- Une méditation implacable sur la vieillesse, le couple mais aussi sur l’amour et sa capacité à surmonter les difficultés liées à l’usure du désir. De son poste de grabataire empêché le personnage central de « l’Air de rien » voit tout mais n’exerce de maîtrise sur les êtres et les choses que par le truchement de son téléphone portable. Avec cet instrument, Waldo, filme, monte, coupe .Ce petit roman est aussi une méditation sur l’art du film et du regard.
- Un sens du portrait quasi balzacien avec des personnages secondaires truculents comme cette actrice londonienne à la mode mais malheureuse en amour, ou cet escroc « bi » qui dépense des fortunes en psy pour sa fille perturbée.
- Un humour et une ironie folle qui heureusement éclaire un sujet aussi sombre que le handicap et la fin de vie.
Quelques réserves
- Malgré son côté haletant, le roman de Kureishi fait parfois des digressions sans nécessité et « prend du ventre ».
- Par ailleurs, on peut déplorer certaines ellipses, mais sans doute l’auteur a-t-il sacrifié à la volonté de rendre percutant ce véritable page-turner.
Encore un mot...
L’ «Air de rien» est un roman court en forme de vaudeville noir et grinçant qui scrute un triangle amoureux toxique, qui rappelle celui de Pascal Bruckner dans « Lune de fiel »; et où on imagine bien - si l’œuvre fait l’objet un jour d’une adaptation au cinéma- quelques flegmatique comédiens anglais qui sauront donner à cet « air de rien », l’air de ne point avoir l’air ou celui de ne pas y toucher !
Une phrase
Le narrateur, Waldo, découvre que sa femme a une liaison:
« Je voudrais pouvoir me dire : c’est juste sexuel .Ou encore : ne le prends pas pour toi. Sois tolérant, laisse les autres en profiter. Le progrès c’est surmonter les tabous. Mais, on a beau l’aborder sous n’importe quel angle, personne n’arrive à se défaire que la sexualité a un sens. Aujourd’hui encore les femmes sont souvent plus amoureuses que les hommes. En définitive mon problème ce n’est pas la sexualité, c’est l’amour. Et je me rends compte que je suis ce genre d’imbécile qui veut qu’on n’aime personne d’autre que lui. »
L'auteur
Hanif Kureishi est un auteur britannique, né à Londres d’un père pakistanais et d’une mère anglaise. Il est connu surtout en France pour sa contribution aux films de Stephen Frears « My beautiful laundrette » (dont l’éditeur Christian Bourgois a publié récemment le scénario) mais aussi « Sammy et Rosie s’envoient en l’air » ou encore l’adaptation de son roman controversé, « Intimité », par Patrice Chéreau.
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