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Thème
Un pavillon de banlieue sinistre, un père tyrannique qui aime l’alcool, la télé et qui chasse des animaux sauvages qu’il conserve empaillés dans une pièce qui leur est consacrée, une mère inexistante et qualifiée d’amibe, deux enfants et quelques chèvres dans le jardin : le décor est planté.
La narratrice est la fille aînée. Elle a 10 ans .Sa raison de vivre est son petit frère, Gilles, dont le rire s’éteint le jour où la tête du marchand de glace est déchiquetée- sous leurs yeux- par le siphon de son appareil à Chantilly. Dès lors, l’âme de Gilles est comme possédée par l’épouvantable hyène, trophée de chasse qui trône dans la chambre macabre. Durant cinq années, la petite fille, surdouée en sciences et en maths, passionnée de physique quantique, n’aura de cesse de vouloir revenir en arrière et de remonter le temps pour le sauver, jusqu’à une nuit de cauchemar où le père tentera de la transformer en gibier dans une forêt.
Points forts
- Une écriture fulgurante, qui se fait douce pour parler d’amour puis fracassante pour décrire tout ce qu’il y a de plus vil dans la nature humaine.
- Entre thriller et fresque sociale, l’auteur nous garde en apnée jusqu’à la fin, jusqu’à l’effroyable. Nous aurions même envie de crier à la narratrice, la gorge serrée « vas-y, lutte, cogne, bats-toi » dans les moments les plus sauvages.
- Une vision percutante entre le bien et le mal qui s’illustre au travers des animaux omniprésents dans le récit. L’auteur instaure une dualité entre les animaux morts et leur fascination, la fameuse hyène qui incarne l’effroi et la cruauté – le mal- et les animaux chéris – le bien. La mère n’existe qu’au travers du soin qu’elle apporte à ses chèvres. La petite fille devient fusionnelle avec sa petite chienne Dovka qui l’accompagne dans son combat. Les disparitions inquiétantes des chiens et chats du lotissement nous maintiennent dans l’idée que le mal rôde à chaque instant.
- Avec subtilité, l’auteur nous parle de la transformation du corps d’adolescente et des stratagèmes de protection et de dissimulation dont la jeune fille doit user afin de ne pas éveiller l’attention. La dissimulation intellectuelle est tout aussi touchante, comment occulter son admiration pour Marie Curie et les sciences afin de ne pas déclencher la haine, la jalousie ?
- Des personnages annexes réconfortants et résilients : le vieux professeur de physique et son énigmatique épouse, puis Plume et Champion le jeune couple voisin.
Quelques réserves
Je n'en vois aucun.
Encore un mot...
Un premier roman original et magistral déjà largement remarqué par la critique et les lecteurs, à juste titre. Malgré le thème, la violence conjugale puis familiale, Adeline Dieudonné réussit un sacré tour de force : donner de la poésie et de la candeur au tragique.
Le roman est aussi une ode à la féminité, à l’abnégation et au courage de l’héroïne dont on ne connaitra jamais le prénom. Une petite fille puis adolescente intelligente et courageuse qui se débat entre pureté de l’enfance et drame social.
Sans conteste, un livre qui résonne en nous pour longtemps.
Une phrase
« C’est là que ça a éclos. Au creux de mon ventre. Ce n’était pas au niveau des tripes, c’était plus profond que ça. Au-delà de tout. Une créature beaucoup plus grande que moi a poussé. Dans mon ventre… cette bête-là voulait manger mon père. Et tous ceux qui me voulaient du mal. Cette bête m’interdisait de pleurer. Elle a poussé un long rugissement qui a dépecé les ténèbres. C’était fini. Je n’étais pas une proie. Ni un prédateur. J’étais moi et j’étais indestructible». Page 198
L'auteur
Adeline Dieudonné est une jeune écrivain belge. Elle a publié deux nouvelles, « Seule dans le noir » et « Amarula », en 2017, Prix du concours de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La même année, elle a écrit et interprété la pièce de théâtre « Bonobo Moussaka ».
« La vraie vie » est son premier roman, déjà Prix 1ere Plume 2018 et Prix du Roman Fnac 2018.
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