LA VOLONTÉ

A la gloire du père. Sa vie ne fut certes pas un long fleuve tranquille mais au-dessus de tout il y a l’amour!
De
Marc Dugain
Gallimard
Parution le 19/8/21
288 pages
20 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Thème récurrent ces temps-ci chez les écrivains, l’image du père, les souvenirs de l’enfance, l’empreinte de l’autorité parentale et les questions qui vont avec. Mais à la différence d’un Pascal Bruckner (Un bon fils) ou plus récemment d’un Sorj Chalandon (Enfant de salaud) et à l’instar du héros de  Premier sang  (Amélie Nothomb), le père de Marc Dugain apparaît comme un héros auquel on pourrait élever une statue de Commandeur tant il est vrai et pur, authentique, fait de chair et de sang, sans concession, mu par des valeurs exemplaires, animé par un courage sans failles et une volonté inépuisable. Evidemment, les rapports peuvent être difficiles entre ce père exigeant mais absent et un ado qui veut rompre le cordon ombilical. Mais la mère veille !

Ainsi Dugain rend un hommage vibrant à ce « Breton carré aux angles francs » qui réussira à la force du poignet à vaincre les pires handicaps, à commencer par la polio puis le paludisme, le dénuement de sa toute jeunesse, le manque affectif (son père marin s’éclipse en Amérique). Il bourlinguera, menant à bien des missions difficiles jusqu’aux antipodes ce qui ne l’empêchera pas de partager un amour de tous les instants avec sa chère et tendre épouse. Mais La Volonté c’est aussi autre chose que l’histoire du père et de la mère même si les rapports humains et les mélanges de milieux contraires, sublimés par un Amour fusionnel constituent l’épine dorsale du livre. La Volonté c’est l’histoire de la France, depuis les années 40,  une France secouée et déchirée par deux guerres, une France post coloniale, un pays qui se bat, une nation qui rayonne encore, de l’Indochine à la Nouvelle Calédonie, d’Alger à Dakar,  que l’on visitera au gré des affectations de Monsieur et Madame Dugain (on ignorera jusqu’au bout les prénoms de chacun).

Points forts

-L’écriture : on aime autant l’écriture factuelle, presque journalistique, de la deuxième partie que l’écriture romantique, remarquablement émouvante, de la première et que l’on retrouve, comme sacralisée, dans une ultime et brève troisième partie, celle de l’adieu final.

-Le message subliminal de l’auteur : le début et la fin sont poignants qui illustrent le thème central, quoique discret, du livre : l’Amour est au-dessus de tout.

Quelques réserves

L’auteur met une telle distance, une telle pudeur dans l’expression de ses propres sentiments qu’il nous égare de temps en temps. On ne sait plus trop bien de qui on parle : du père, du grand-père, du « marain » Philippe ou de Meno, la grand-mère admirable  (à peu près les deux seuls prénoms cités au cours de ce roman inspiré de faits réels). « On devrait le lire 2 fois » nous confie une fidèle lectrice de Marc Dugain !

Encore un mot...

Diatribe toute en finesse contre les erreurs et tares de la société, révolte contre les injustices de la vie… et des hommes ! A petites touches, tous les sujets de société sont abordés : dérives de la jeunesse, wokisme, problèmes du genre, politique et compromissions…D’accord ou pas avec l’auteur, nous réfléchissons à ses côtés, confondus par tant de clairvoyance

Une phrase

Une phrase en guise de conclusion révélatrice de l’humanisme de l’auteur, parmi tant d’autres:
« On vit, on meurt et, entre les deux, on essaye de donner du sens à tout cela. D’une certaine façon le vrai courage consiste à l’accepter. Pour survivre, il faut se construire une fiction sur mesure ; c’est là que l’inégalité commence, pas seulement dans la difficulté d’édifier cette fiction, mais dans la capacité d’y croire et de s’y maintenir. C’est la question du sens. Une question philosophique mais la philosophie occidentale est en faillite. La spiritualité, le sacré l’ont quitté depuis longtemps, chassés par un fétichisme de l’abondance ». (page 227)

L'auteur

Né au Sénégal (tiens !) en 1957, Marc Dugain est à la fois romancier (prolifique) et réalisateur (de ses propres œuvres). Deux œuvres marquantes : La Chambre des Officiers (1999, prix Roger Nimier, Prix des Libraires, prix Roger Fallet et 15 autres prix), son premier livre, (des souvenirs de gueules cassées de la guerre 14 et vie de son grand père), et La Malédiction d’Edgar (Hoover), deux romans vite portés à l’écran et d’autres romans à succès comme L’Emprise (thriller politique) ou une Exécution ordinaire (inspiré de la catastrophe du sous-marin russe et sous le pouvoir de Vladimir Poutine)  et encore Ils vont tuer Robert Kennedy.  Diplômé de Sciences Po Grenoble, ancien entrepreneur notamment dans l’aviation, il ne se consacre à sa carrière littéraire qu’à 35 ans. Il est passionné de géopolitique et amoureux de la forêt (en Dordogne en particulier).

Spécialiste de Tchekhov, il a également écrit et monté des pièces de théâtre, récemment il a réalisé un excellent film Eugénie Grandet (2021) avec Olivier Gourmet et Valérie Bonneton. D’aucuns estiment que sa Volonté est son livre le plus abouti.

Signe particulier : s’inspire toujours de faits divers mais peu ordinaires voire dramatiques pour libérer sa plume romanesque. Mériterait bien de porter l’habit vert à l’instar de J.C. Ruffin.

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