La voix des Saules

Le récit poignant d’un atelier d’écriture dans un centre psychiatrique
De
Nathalie Skowronek
Grasset
Parution le 6 mars 2024
176 pages
17 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

L'auteure  belge Nathalie Skowronek reçoit un jour un message via une maison d’édition (qui ne l’a pourtant jamais publiée) : on cherche un écrivain pour animer des ateliers d’écriture au centre psychiatrique « Les Saules ». Totalement inexpérimentée, ce professeur de lettres accepte pourtant même si elle confie ne pas aimer s’éloigner des pratiques rassurantes qu’elle peut maîtriser. L’animatrice novice convoque ses références littéraires « les artistes dérangés » : Artaud auteur de Van Gogh, le suicidé de la société, Camille Claudel, Virginia Woolf etc. .

Consciencieuse et perfectionniste, elle trouve des idées, accumule les fiches mais la confrontation amicale avec le groupe d’une dizaine de volontaires l’amène dès la première rencontre à modifier ce qui était prévu. Attentifs, bienveillants, profondément humains, les participants, malgré leur pathologies différentes, souhaitent se confier. Leur franchise, leur spontanéité, non dénuées d’humour, pulvérisent les repères des comportements  normaux et ceux de la politesse sociale. 

Travailler ainsi c’est s’engager dans la détresse de l’autre, éprouver un respect proportionnel à la grandeur tragique de son drame. Pendant les cinq ans de cette expérience aux limites de la raison, la jeune animatrice va elle aussi, peu à peu, basculer de l’autre côté du miroir.

Points forts

Le lecteur découvre un monde qui souvent reste caché aux regards méfiants des personnes « normales ». En partageant l’expérience de l’atelier d’écriture, il se familiarise avec les pensionnaires des « Saules », si spontanés, si émouvants. Il est amené à se poser dès lors des questions qui dérangent : où est la frontière entre la norme et la folie ? N’est-il pas très facile de passer d’un monde à l’autre ?

Le texte sonne comme un cadeau d’adieu à ces êtres brisés qu’elle a côtoyés dans une dangereuse proximité. Ce récit-témoignage y gagne en authenticité et s’apparente à une autobiographie.

Enfin les techniques de l’atelier d’écriture, inspirées de l'Oulipo, sont très bien expliquées dans leur vocation à libérer la parole et l’imagination.

Quelques réserves

L’ensemble de l’expérience reste nimbé de couleurs sombres, on aurait peut-être aimé une rédemption, un exemple de production écrite réussie mais l’auteure est sans doute restée fidèle à l’expérience vécue.

Encore un mot...

  • « Dans le hall d’entrée des Saules, où contre toute attente règne un brouhaha joyeux, je m’avance avec ce que je crois être le visage de l’Inconnue (de la Seine), mon visage. Comme elle, ce que je donne à voir n’est qu’un masque. » (p 22)

  • « Cela devient la norme : inventer des consignes d’écriture en piochant dans ce que je lis. Lorsqu’en rangeant ma bibliothèque je tombe sur L’Etranger, je propose un exercice à partir de la scène de la plage où le narrateur se transforme en meurtrier…On isole une phrase : “C’est alors que tout a vacillé”.  A eux de poursuivre. » (p 66)

  • « Je suis émue et leur répète qu’ils sont ma plus belle rencontre. Je voudrais ajouter : la plus vraie, la plus profonde, leur confier qu’ils m’ont révélée à moi-même, mais Clémence m’arrête en mimant un musicien jouant du violon. » (p 173)

L'auteur

Nathalie Skowronek, agrégée de lettres, vit à Bruxelles. Elle a d’abord collaboré à différents projets éditoriaux et travaillé aussi pendant sept ans dans le prêt à porter pour femmes comme une bonne partie de ses ascendants juifs. Elle publie un premier roman Karen et moi (Arléa 2011) qui raconte la fascination d’une femme pour l’écrivain Karen Blixen, roman qui obtient le Grand prix des lectrices de Elle et le prix des lecteurs du Télégramme. Elle se lance ensuite dans une veine plus autobiographique avec Max en apparence (Arléa 2013), Un monde sur mesure (Grasset 2017), La carte des regrets (Grasset 2020) ouvrage également primé. En mars 2024 paraissent La voix des Saules et Chienne de guerre.

Nathalie Skowronek a effectivement animé l’atelier d’écriture du club Antonin Artaud pour adultes atteint de troubles psychologiques. Depuis septembre 2023 elle enseigne l’écriture romanesque à la Sorbonne.

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