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Thème
Vers la fin du XVème siècle et dans l’Espagne très catholique d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon, le Père Arbuès, Inquisiteur de Saragosse, est assassiné lâchement pendant l'office. Ce crime jugé abject relayé par le portrait sanguinolent de la victime placardé dans toute la ville va justifier une opération de police d'envergure au service de la quête du criminel et de ses commanditaires. Car celui qui a agi n'a pas pu agir seul. Torquemada, nommé Grand Inquisiteur de la province d'Aragon dans ces circonstances troublées, va diriger ses soupçons vers les conversos, ces catholiques récents, souvent d'origine juive et qui ont cru sauver leurs familles et leurs biens par leur baptême. Les procureurs recrutent ainsi de vulgaires indics, dénommés familiers qui vont mettre leur flair au service de la grande cause ; ainsi Angel de La Cruz, dernier rejeton d'une famille de petite noblesse qui sous l'aspect d'un gueux arpente la ville de Saragosse flanqué d'un molosse menaçant et baveux pour traquer le converti. Les Montesa et les Cuheno, deux familles liées par leurs origines, leur confession récente et l'amour de leurs enfants, croiseront vite le chemin d'Angel et de Cerbero.
Points forts
- Une belle plume, un style pertinent et ciselé, sans affectation ni emphase, aussi précis que le stylet du graveur.
- Un style en écho de l'histoire, celle de cette brute d'Angel de La Cruz qui, en dépit de son infortune et de ses crimes, cherche et trouve dans l'art du dessin, du fusain et de la gravure, une beauté, une extase qu'il sait dans la vie inaccessibles.
- Une belle évocation de l'art dans sa signification presque mystique, celle d'une sublimation de la réalité indispensable à la survie de l'homme, si l'on considère le monde comme il est, brutal et vulgaire, et l'incarnation possible dans le même homme du meilleur et du pire.
Quelques réserves
C'est trop court.
La concision du récit, fréquente chez les auteurs publiés chez "Actes Sud", est souvent l'apanage de la sobriété et de la pertinence. Mais les mots ont aussi leur musique, ils appellent quelques refrains, les images qu'ils suggèrent doivent se répéter un peu pour toucher l'âme du lecteur et convaincre. On lirait bien en somme une bonne centaine de pages de plus sur les bas-fonds de Saragosse, les intrigues et les compromissions de ces marchands ambitieux, les familiers à la solde de tous, l'intolérance absolue des Dominicains, la peur qui étreinte le petit peuple et l'asservit, la terreur policière, les procès sommaires en hérésie et les exécutions publiques, la faim et la maladie, la beauté de Léa de Montesa, la fougue de Yehuda Cuheno...
Encore un mot...
Un très bon livre mais un trop petit livre.
Une phrase
Ou plutôt deux:
- "Promptement renvoyé pour avoir chipé du fusain et des feuilles, il avait retrouvé la compagnie des clochards et des gueux. Mais aussi celle des malfrats. Rossé quand il rentrait de la maraude les mains vides, spolié de sa part quant il en revenait les mains pleines, il avait appris à mentir, à tricher, à se battre. Et du jour où la tête du chef de bande avait été mise à prix, à moucharder."
- "Pline parle d'une "invention merveilleuse et presque divine".Et il se trompe. L'art de ciseler un dessin en relief, pour en tirer de multiples copies, date de bien avant Rome. Il vient du fond des temps. C’est celui des hartoumim dont parle la Genèse, puis le prophète Daniel et les chroniqueurs de l'Antiquité. Armés de leur burin, appelé heret, ces faiseurs d'images ont raconté la légende des hommes depuis qu'il est homme".
L'auteur
Raphaël Jerusalmy, né en 1954, a emprunté un parcours très particulier alors que que né en France et bercé de cette culture très classique servie par Normale Sup et la Sorbonne, il l'a quittée pour Tsahal, en collaborant au renseignement militaire en Israël, épousant ensuite quelques causes humanitaires pour revenir à Tel-Aviv, y vendre des livres et écrire....
Il a déjà publié quelques très beaux romans qui trouvent comme ici avec "la Rose de Saragosse" une source historique qu'il place au cœur d'une fiction violente, mais pour révéler toujours, au-delà de l'horreur du moment et de la très triste condition humaine, en contrepoint de celles-ci, l'idée d'un monde meilleur qui doit nourrir nos rêves. Ainsi avec "Les obus jouaient à pigeon vole", roman dans lequel il évoque la journée fraternelle qui précède la mort de Guillaume Apollinaire dans les tranchées de la Grande Guerre, "Sauver Mozart", un hymne à la beauté et la musique sur fond d'Anschluss et de désespoir, ou encore "Évacuation", une promenade initiatique et poétique dans Tel-Aviv dévastée par les bombardements et la guerre.
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