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Thème
La Poupée est le surnom donné à sa mère. Sa famille, côtés maternel et paternel, est issue de clans traditionnellement en conflit. Ismail Kadaré dresse une série de portraits attachés à son enfance : son père, taciturne fonctionnaire, ses oncles et tantes, quelques amis d'école; et ,surtout, sa grand-mère, qui décide, selon la coutume des femmes âgées, de sa claustration volontaire dans l'immense maison familiale, ancienne, austère, avec son cachot (!), ses chambres murées, son issue secrète, son ambiance sinistre. La jeune mariée n'a que dix-sept ans quand elle doit se confronter à sa belle-mère. Difficile pour le fils de comprendre les comportements de sa mère, son air plaintif, craintif, toujours coupable... Et non moins difficile pour la mère de comprendre son intellectuel de fils, émancipé, engagé politiquement contre le régime, en passe de devenir célèbre.
Points forts
1 - La plongée dans un milieu bourgeois de l'Albanie, avant la guerre, puis pendant le régime communiste : on découvre des traditions, coutumes, habitudes, qui surprennent.
2 - Le plaisir de retrouver l'humour, la satire, la moquerie, toujours sous-jacents et discrètement exprimés par un écrivain qui a le talent de ne pas maquiller ses opinions sans prendre le risque de mettre sa vie en danger à cause du pouvoir en place.
3 - Un récit, bref et incisif, par petites touches, où les souvenirs de l'adolescent et de l'étudiant sont relus avec le recul de l'homme aujourd'hui âgé de près de 80 ans.
4 - Enfin, et peut-être surtout, l'émotion partagée autour d'une mère touchante d'inquiétude : son fils en viendra-t-il à la renier, elle qui n'a pas fait d'études, ne comprend pas les mots savants et incarne un monde en perdition ?
Quelques réserves
Sans doute le style, les expressions particulières, les sous-entendus, les allusions d'Ismail Kadaré ne sont-ils pas aisés à traduire. Quelques phrases, surtout au début, trop compliquées dans leur formulation française, obligent à les lire plusieurs fois.
Encore un mot...
Fayard a repris en 12 tomes la majorité des romans et récits de Kadaré : après la lecture de cette "Poupée", on a bien envie de s'immerger dans l'oeuvre entière. Personnellement, j'ai relu récemment "La Pyramide", avec un grand plaisir. Je vous le conseille.
Une phrase
"J'allais bientôt saisir que j'avais moi aussi un problème avec ma mère... il avait principalement trait à sa légèreté, à ce qui deviendrait plus tard à mes yeux son apparence de papier ou de plâtre... Les mères sont les êtres les plus difficiles à comprendre".
L'auteur
Ismail Kadaré est Albanais, né en 1936 à Gjirokastër, au sud du pays, également ville natale du futur Président, Enver Hodja. Le régime stalinien imposé par ce dernier oblige Kadaré à éditer ses livres à l'étranger puis à demander l'asile politique en France, en 1990. Toute son oeuvre est empreinte d'une farouche opposition au totalitarisme. Le général de l'armée morte, paru en 1963, rencontre un succès international et sera son premier livre traduit en français, en 1970; il sera suivi d'une cinquantaine d'autres, dont plusieurs ont été couronnés de prix prestigieux. Depuis 1996, il est membre associé étranger de l'Académie des sciences morales et politiques.
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Dans un univers surprenant, l'amour d'une mère, inquiet et touchant.
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