La porte du voyage sans retour
253 pages
19 euros
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Thème
En 1750, Michel Adanson, un jeune naturaliste français de vingt-trois ans part au Sénégal pour y découvrir des plantes, des animaux ou des coquillages encore inconnus des scientifiques européens. A peine arrivé, il se passionne pour ce pays, sa langue, ses coutumes et, bien sûr, ses habitants. Quand il entend parler d’une « revenante », qui aurait réussi à échapper à l’esclavage, il se lance à sa recherche, n’hésitant pas à traverser le pays à pied au prix de nombreuses embûches. Il la rencontre dans des conditions rocambolesques et tombe amoureux de cette « Eve noire » si envoûtante et si mystérieuse. Il ne l’oubliera jamais. Il revient à Paris en 1754 et tente de dissimuler à son entourage cet amour secret, en consacrant toute son énergie à la rédaction d’une encyclopédie universelle de la nature. Aux portes de la mort, il décide de raconter cette histoire dans des cahiers destinés à sa fille.
Points forts
Ce jeune savant du temps des Lumières fait preuve d’une grande ouverture d’esprit. Curieux de tout, il regarde, il écoute et surtout il s’initie au wolof pour mieux connaître ces africains. Il sait se débarrasser de ses préjugés : il découvre leur sens de l’hospitalité, de la fraternité, leurs traditions orales, sans pour autant effacer leurs défauts, leur cupidité, leur cruauté, leur soif de pouvoir. Il aborde la question de l’esclavage d’une manière nuancée, même si le titre, surnom de l’île de Gorée, «lieu d’horreur et de terreur», rappelle les atrocités de la traite des noirs.
Sensible à la magie de ce pays, il se laisse séduire par Maram, « mi-femme, mi-serpent », dotée de pouvoirs occultes et protégée par son « génie ». Sa beauté sauvage et flamboyante lui vaut tous les malheurs, comme si elle était frappée par une malédiction. Elle surprendra Adanson par son énergie farouche et son caractère vindicatif. Un personnage fascinant
Un amour impossible, mais magnifique, réunit ces deux protagonistes : ils partagent la même sensibilité aux mystères de la nature, l’un par sa démarche scientifique, l’autre par son approche animiste.
Des personnages secondaires hauts en couleurs animent ce récit plein de rebondissements, écrit dans une belle langue classique qui correspond à l’époque choisie
Quelques réserves
Des invraisemblances dans certains choix narratifs, voire quelques naïvetés.
Encore un mot...
Après Frère d’âme, situé pendant la guerre de 1914, David Diop remonte cette fois-ci plus loin, dans le temps, jusqu’au XVIIIème siècle, qu’il connaît si bien. A la fois récit historique et roman d’aventures, ce « voyage sans retour » s’apparente à un conte, dont la morale souligne la possibilité d’un entrelacement des cultures.
Une phrase
« Car il me semble juste de penser désormais que seule la fiction, le roman d’une vie, peut donner un véritable aperçu de sa réalité profonde, de sa complexité, éclairant ses opacités, en grande partie indiscernables par la personne même qui l’a vécue. » p.158
L'auteur
Né en 1966, David Diop est franco-sénégalais. Maître de conférences spécialiste de la littérature du XVIIIème siècle à l’université de Pau, il a publié en 2012, 1889, l’Attraction universelle, puis Frère d’âme, prix Goncourt des Lycéens 2018, traduit en seize langues, et couronné récemment par le prestigieux International Booker Prize, qui récompense pour la première fois un auteur français.
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