La Nymphe Inconstante
Traducteur Aymeric Rollet -
304 pages - 22€
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Thème
L'auteur égrène ses souvenirs, entre réalité et nostalgie, pour construire un récit où se mêlent liaison amoureuse et évocation de La Havane disparue.
Points forts
La corrélation entre l’emprise d’une passion destructrice et l’emprise de La Havane, telle « une île enchantée », donne une grande force à l’histoire.
Les passages consacrés à La Havane d’avant la révolution cubaine sont autant de retours en arrière, empreints de poésie et d’illusions perdues, générant une grande émotion.
Les références littéraires, musicales, artistiques ponctuent le récit personnel et lui donnent une ampleur universelle.
Quelques réserves
L’abondance de jeux de mots et d'allitérations apparaît redondante et nuit à la fluidité du texte.
Le fait qu’il s’agisse d’une œuvre posthume, non retouchée selon le vœu de l’auteur, contribue à des ruptures de style d’où cette interrogation pour le lecteur : si ce roman était paru du vivant de Guillermo Cabrera-Infante, l’aurait-il construit à l’identique?
Encore un mot...
L’auteur utilise sa mémoire, « machine à remonter le temps », pour décrire la déambulation du narrateur: critique cinématographique à la revue Carteles, celui-ci arpente les rues de La Havane en compagnie d’Estela. Au premier regard, il est subjugué par cette toute jeune fille. S'ensuit une relation physique dont il devient dépendant tandis qu’Estela pour qui les notions de bien et de mal existent peu, le manipule et le trompe au fil du temps. Après la rupture prévisible, le souvenir d’Estela restera brûlant comme un soleil d’été. Plus tard, Guillermo Cabrera-Infante, écrira cette histoire qui l’a accompagné près d’un demi-siècle. Ce roman est celui d’une dernière méditation sur la vie et la mort, un chant du cygne.
Une phrase
“-La vie, ma jolie, n'est qu'un enchevêtrement de coïncidences.
-Ça veut dire quoi, un enchevêtrement?
-C'est comme la toile que tisse l'araignée. Ah. Allons-y. J'ai faim
-Je n'ai pas faim du tout.
-Moi, si. Tellement faim que je pourrais te manger.
-On ne va quand même pas remettre ça.
Nous avons remonté la rue Egido. Je m'étais dit que nous pourrions petit-déjeuner au café Campoamor. Pour aller jusqu'au café, nous avons dû longer la Zaragozana... Avant de traverser la rue Lamparilla, nous avons dû longer El Ariete, ah, arété.
-Tu connais drôlement bien La Havane.
A La Havane, tout était recommencement. La Havane semble indestructible, dans le souvenir: c'est ce qui la rend immortelle. Les villes, comme les hommes, périssent. Il y avait une expression à Cuba, vers 1955, qui disait: «Oublie donc le tango et chante un boléro.» Ça voulait dire: laisse tomber le côté dramatique et parle plutôt des sentiments. Ce qui était on ne peut plus juste à ce moment-là – comme aujourd'hui.
Je n'ai pas l'intention de parler de mon amour pour La Havane; c'est de mon amour pour elle que je veux parler. Mais avec elle, pour elle, à cause d'elle, j'ai revisité la Vieille Havane.
Le café Campoamor était rangé et vide à cette heure-là; ses tables en marbre servaient de piste d'atterrissage aux mouches, qui cherchaient, comme tout le monde à Cuba, du sucre.”
L'auteur
Guillermo Cabrera- Infante ,1929-2005, est un écrivain cubain qui a reçu le prix Cervantès en 1997 pour l’ensemble de son œuvre. Il commence sa carrière littéraire en 1947, fonde en 1951 la cinémathèque de Cuba et dirige également la revue de cinéma Carteles. A partir de 1960, il se réfugie à Londres où il décèdera. Aux côtés d’autres intellectuels cubains en exil, il témoignera son opposition au régime castriste. Il est également scénariste : Adieu Cuba, Point Limite Zéro et Mauvaise Conduite, documentaire. Il a reçu le Prix du meilleur livre étranger en 1970 pour Trois Tristes Tigres (Gallimard pour la traduction en français). Avec La Havane pour un Infante défunt, 1979, la parution aujourd’hui de La Nymphe inconstante , quinze après la disparition de l’auteur, parachève la fresque initiée par les deux romans précités.
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