LA NUIT DU 5-7

Adolescence et désenchantement dans la France d’après-1968. Un roman Rock & Folk, nerveux et mélancolique à propos d’un fait divers : le “bal tragique'' au 5-7, le 1er novembre 1970.
De
Jean-Pierre Montal
Séguier – L’IndéFINIE -
252 p. -
20 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Michel Mancielli, fils d’un maçon immigré, “monte”’ à Paris en 1963 sous prétexte de travailler chez un collègue de son père. En fait, seuls l’intéressent les Groupes Rock (les Who, les Stones, les Moody Blues, les Shadows et bien d’autres) et son temps s’écoule à gratouiller une guitare en compagnie de quelques glandeurs qui lui ressemblent. Vient enfin le jour où il parvient à intégrer « les Storm » Groupe qui fait danser blousons noirs et blousons dorés dans différentes discothèques de France.

Mais alors que les Storm sont demandés pour animer une soirée au 5-7 de Saint-Laurent-du-Pont, village natal de Mancielli, le groupe décide de se passer de lui pour « un problème de style ». Et c’est la nuit du 1er novembre 1970, celle du « bal tragique » : 146 morts, dont la totalité de l’orchestre, beaucoup de ses copains d’enfance et son premier amour, Catherine… Reste à Michel un énorme sentiment de culpabilité et le besoin plus ou moins raisonné de déterminer des responsables.

Points forts

Les thèmes récurrents chers à Montal :

- La transmission quasi impossible entre générations : l’incompréhension entre Michel et son père, la crainte qu’inspire son géniteur à Catherine, la « distance de survie réglementaire » qui éloigne Philippe de ses parents… 

- L’importance de la musique rock dans la vie d’un jeune homme qui ressemble à l’auteur.

- La construction du roman : l’avant et l’après 5-7 ordonnancés autour du récit central de l’incendie lui-même, réduit à trois pages de documents d’époque.

- L’évocation de deux jeunesses parallèles, l’une contestataire et violente, personnifiée par l’intellectuel Philippe Lévy, celle des Brigades rouges et de la gauche prolétarienne, impliquée dans tous les combats pour la cause du peuple, l’autre, incarnée par le manuel Michel Mancielli, uniquement préoccupée de guitares électriques (référence absolue : le concert Salut les Copains du 22 juin 1963 place de la Nation), de juke-boxes, de disques vinyle et de groupes rock.

- Le rapprochement de deux affaires célèbres des années 70 et leur politisation avortée à travers le ressenti des deux amis :

Michel envisage un racket du SAC à l’origine de l’incendie du 5-7 avant de renoncer à cette thèse devant l’évidence : les pires crapules attendent toujours qu’une discothèque soit vide pour y mettre le feu sous peine de s’attirer de vrais ennuis.

Philippe rejoint à Bruay-en-Artois un comité « justice et vérité » qui échoue, malgré sa mystique révolutionnaire, à faire condamner un notaire (juste parce qu’il s’agit d’un notable) pour un crime qu’il n’a pas commis.

- Les relations maladroites de Michel avec les femmes chez qui seule le touche la finesse des chevilles.

Quelques réserves

Le lecteur qui n’est pas un assidu de Rock & Folk et n’a pas forcément la culture musicale de l’auteur risque d’être un peu dépassé par les multiples nuances du Glam Rock de David Bowie par rapport à la sophistication de Chuck Berry et de se noyer dans l’accumulation des noms de Groupes plus ou moins connus.

Si Montal manie bien l’art de la litote, certains raccourcis ne facilitent pas toujours la compréhension immédiate.

Encore un mot...

Adolescence et désenchantement.

Cette plongée dans notre histoire proche nous rappelle que « les 30 glorieuses » ne furent pas aussi simples qu’un souvenir sommaire nous en a laissé.

Une phrase

“ Même l’existence la plus insignifiante génère une poignée de certitudes (…)

1) Ne pas faire obstacle à la douleur, 2) Entretenir les vieilles amitiés, 3) Trouver le bon disque pour chaque circonstance de la vie. Avec ces trois lois, on pouvait faire un peu de chemin. Peut-être s’agissait-t-il d’un maigre bilan. Ou peut-être pas.” (dernière page)

L'auteur

Né en 1971, Jean-Pierre Montal est éditeur et écrivain. Il est notamment l'auteur d'un roman paru en 2017 aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux, Les Leçons du vertige, et, avec Jean-Christophe Napias, de 100 courts chefs-d'œuvre (La Table ronde, 2018).

Très tôt basculé dans le rock grâce à sa sœur qui l’a initié aux Beatles, aux Kinks ou à Patti Smith, il joue de la guitare et un peu de batterie dans des groupes (il fera partie de Temper, une formation qui a publié un album chez Talitres et assuré la première partie de The National) avant de se découvrir une passion pour la lecture et de rencontrer Marie David, elle aussi lectrice frénétique, avec qui il crée les éditions « Rue Fromentin ».

Le clin d'œil d'un libraire

LIBRAIRIE AUGUSTE BLAIZOT. QUAND LE LIVRE DEVIENT UNE ŒUVRE D’ART

Faire du lèche vitrine rue du Faubourg Saint Honoré à Paris n’est plus  un luxe mais cela reste un privilège surtout lorsqu’on a la chance d’entrer au 164 chez Claude Blaizot dans la librairie éponyme de père en arrière petit- fils depuis 1870, ou au 178, chez notre ami Jean Izarn qui a repris la fameuse librairie Chrétien ou encore dans la librairie Picard au 128. Blaizot est, on peut le dire, un monument historique, le temple du livre rare, sinon unique, le royaume du livre précieux dans tous les sens du terme. « Chez Blaizot, nous sommes tout autre chose que des commerçants.  Nous sommes des artisans-libraires ». Sous leur enseigne sont réunis depuis des générations tous les métiers du livre d’art : éditeur, typographe, illustrateur, relieur, collectionneur bien sûr et avant tout découvreur.

Les éditions les plus rares sont à découvrir chez Blaizot, uniques sont certains exemplaires anciens, très limités sont les tirages. Mais le prix n’attend pas le nombre des années. Surprenant : un Houellebecq relié tiré sur Velin d’Arches à 120 exemplaires vaut ici 3 000 euros, un Le Clézio plus de 2 000 ! « Notre coup de cœur : Petits et grands verres, écrit et illustré par Laboureur, édité en 1927 (Au Sans Pareil éd. Tirage, 270 ex. !) ». Le prix ? Celui d’un Château Petrus 1947…

Que l’on se console : une simple visite vaut le « coup » d’œil : décor art déco 1920 dans son jus, vitrail du maître verrier Grüber, poème de Pierre Lecuire, « l’architecte du livre », selon Claude Blaizot (« il voit des âmes au plafond… »). Partage d’émotions garanti avec le maître des lieux : «Là où on peut donner le plus de soi, c’est dans l’édition, et le tourment le plus dur du libraire, c’est justement de se séparer d’un ouvrage qu’on a près de soi ».

Librairie Auguste Blaizot, livres précieux : 164, Faubourg St Honoré 75008 PARIS  Tel. 01 43 59 36 58

Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture Tops.

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