La légende de Bruno et Adèle
Editions Gallimard coll. Du monde entier,
288 pages, 22.50€
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Thème
Quelle sorte d'assassin peut commettre les meurtres particulièrement monstrueux sur lesquels enquête le commissaire divisionnaire Yona Merlin, à Tel Aviv et à Netanya ? Et que signifient ces graffiti sur les murs qui se révèlent des citations d'un écrivain juif polonais, Bruno Schulz, assassiné soixante-dix ans auparavant par les nazis ? Avec, bizarrement, laissées sur les lieux, des armes anciennes datant de l'époque du mandat britannique. Il lui faudra l'aide de Zoé, jeune fille excentrique et paumée, et celle de Raï, pseudo journaliste expert en graffiti, pour le découvrir peu à peu, comprendre quel lien unit les victimes et pourquoi l'infernal trio de meurtriers s'est acharné sur elles pour assouvir une incroyable vengeance.
Tous les thèmes chers à Amir Gutfreund sont ainsi présents : la Shoah, la littérature, l'enquête policière, les quartiers minables de Tel Aviv, et des personnages hauts en couleurs dont le destin va tourner un moment à l'extraordinaire.
Points forts
L'intrigue superbement menée.
Les personnages, les bons comme méchants : totalement vraisemblables, pittoresques, attachants ou répugnants, leur apparence physique comme leur psychologie parfaitement décrites.
Le ton des dialogues à l'humour discret.
La traduction sait rendre en un français impeccable le style particulier de l'auteur.
Quelques réserves
Si l'histoire de Bruno Schulz (qui a réellement existé et dont l'oeuvre fascine l'auteur qui s'en explique dans l'épilogue) est claire à comprendre, celle d'Adèle, ou plutôt des Adèle, est plus compliquée et l'on s'égare parfois dans les méandres de leur existence.
Encore un mot...
Il faut absolument se plonger dans ce roman pour s'imprégner du talent d'Amir Gutfreund (et, au passage, découvrir, si ce n'est déjà fait, l'écrivain Bruno Schulz). Si, en première lecture, on est un peu dérouté, on peut en entreprendre une seconde, et là, on ne le lâche plus!
Une phrase
- Tu comprends bien, Ephraïm, que me venger simplement ne m'aurait rien apporté. Je voulais lui faire exactement ce qu'il avait fait à ta propre mère. Je m'étais dit qu'il devait payer. Que même si cela devait prendre toute la vie, il en serait ainsi. Mais il fallait d'abord que j'y réfléchisse bien. p. 31
- J'ai compris que la mort d'un homme n'avait pas d'importance. Il survit dans ses petits-enfants lorsque ceux-ci existent, tu suis ? Le passé se trouve ici, dans le présent, et il n'y a qu'un moyen, un seul, pour qu'un homme meure vraiment : que tous ses descendants disparaissent. Les petits-enfants, Ephraïm, les petits-enfants... C'est ce que j'ai expliqué au docteur Levin, que son nom soit maudit. ... Que ce n'est pas lui que j'allais assassiner, ni ses enfants. Mais ses petits-enfants, tous et jusqu'au dernier. Il n'y aurait alors plus aucune trace de lui sur terre. p. 76
L'auteur
Amir Gutfreund est l'un des auteurs israéliens contemporains les plus fameux. Né en 1963 et mort en 2015 à Haïfa, il aura écrit 7 romans. Issu de parents juifs polonais ayant survécu à la Shoah, ce drame hante et imprègne toute son oeuvre. Après avoir étudié les mathématiques appliquées, il a intégré l'armée de l'air israélienne puis en a démissionné. Son premier roman Les gens indispensables ne meurent jamais a été unanimement salué et couronné en 2003 du Prix Sapir (disponible en Folio). Les éditions Gallimard ont également publié en français, toujours traduits par Katherine Werchowski, deux autres de ses romans : Pour elle, volent les héros et Sous le signe du corbeau (2019).
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