La fin du sentiment amoureux
Parution le 9 octobre 2024
106 pages
16 euros
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Thème
La panne d’un train au cœur d’une plaine isolée d’Europe centrale offre l’occasion à deux de ses occupants de prendre langue.
Le train, pompeusement dénommé « Express vers l’Orient », est une reproduction cachectique de son illustre aîné et, au-delà d’une fiabilité et d’un confort sommaires, voit ses passagers régulièrement dépouillés de leur richesse par des hordes de brigands du rail...
L’arrêt prolongé du convoi permet à Calliope, jeune femme amoureuse, en chemin avec son prétendant pour Venise où doit se célébrer leur union, et à Munzu, diplomate expérimenté de l’ONU, d’entamer un échange savoureux sur l’amour et le mariage. La relative sérénité de l’une va progressivement se heurter aux propos abrasifs de l’autre, fort de ses unions successives, à la fois désastreuses et désopilantes !
Leurs confessions réciproques s’écoulent dans un creuset d’où émanent diverses vapeurs d’une toxicité acide et joyeuse, troublant la certitude de l’amour dans sa durée ou dans la profondeur réelle du sentiment, prônant faussement une société émoussée par un féminisme castrateur et par un recul inexorable de relations considérées comme normales jusqu’à il y a peu...
Les deux protagonistes se rejoignent finalement, en dépit de leur différence d’âge, sur le besoin impérieux de vivre pleinement leur destin amoureux.
Points forts
Un bijou.
Le texte, dans sa brièveté - un peu plus de cent pages - recèle une densité flamboyante à la fois d’écriture et d’idées et, pour poursuivre dans la métaphore joaillère, laisse étinceler à chaque page toutes les facettes du talent de Stéphane Denis.
Tout est brillant, le fond par la multitude des concepts abordés autour de l’amour, de l’union et de la désunion, de la recherche de domination consciente ou pas au sein du couple, du désir instinctif de la rencontre et de son accomplissement, et de la forme, avec une écriture enlevée, généreuse mais toujours sobre, riche mais sans affectation.
Le bel ouvrage que voilà, dans la grande tradition d’une littérature précieuse, intelligente et raffinée, sur les pas d’Hervé Bazin, de Bertrand Poirot-Delpech ou de François Nourrissier...
Quelques réserves
La courtesse du roman dans son acception « trop peu » !
Et s’il faut vraiment émettre une discrète modulation dans ce propos louangeur, ce serait peut-être de donner un peu plus de corps à Calliope pour qu’elle puisse être la représentante plus expressive d’une génération qui a sans doute beaucoup à dire sur le sentiment amoureux actuel !
Encore un mot...
La confrontation rapidement affectueuse de Munzu et de Calliope permet à l’auteur d’aborder, avec un humour très britannique et une clairvoyance de bon aloi, divers segments d’une actualité sociétale et mondialisée.
Les bouleversements du genre, la difficulté de la relation amoureuse, le poids d’une incertitude du lendemain, le rapport au travail sont évoqués tout au long de ces lignes de même que la fébrilité du monde, la part de plus en plus prégnante de la corruption, l’irruption du besoin religieux, le drame des guerres multiples, médiatisées puis oubliées, l’influence fragile et contestée d’une Organisation des Nations Unies impuissante en nombre d’endroits...
Une phrase
« Munzu était un irréductible du sentiment amoureux, un de ces hommes qui ne changeront jamais, même à l’âge ou tout s’émousse, les sens comme l’intérêt que l’on prend à la vie. » P. 23
«… ces gestes d’un autre âge, la galanterie comme le jeu de l’amour à ses débuts et même la jalousie, ne survivront pas à la victoire du féminisme.»P. 61
« ... elle (sa première épouse) ne me lâcherait pas ; elle entreprendrait de me rééduquer jusqu’à ce que je ne sois plus qu’un pantin désarticulé. » P. 84
L'auteur
Stéphane Denis est né en 1949 à Saint-Moritz en Suisse.
Il est journaliste et écrivain français et a publié de nombreux romans sous son nom ou le pseudonyme de Manicamp.
Il a été distingué à plusieurs reprises et a obtenu le prix Interallié en 2001 pour Sisters (Fayard).
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